Re: Vol de nuit
Quelques heures après avoir posté mon dernier poème, ma mère s'est embarqué sur cet avion pour aller faire la connaissance de son dernier arrière-petit-fils et puis rejoindre les siens.
vendredi 21 juin 2013
jeudi 20 juin 2013
Vol de nuit : pour ma mère en train de mourir de la maladie d’Alzheimer
ce soir je vais rêver de prendre l'avion avec ma mère
j’achèterai le billet, à mes propres frais
on va s'embarquer pour un petit voyage en France
pour qu'elle voit Paul une dernière fois
et Léo pour la première
on ira tous les deux dans mon rêve
je te tiendrai la main
et te parler en français en anglais comme tu veux
tu n'as pas besoin de parler
je te dirai tout ce que tu voudras entendre
je reviendrai et elle partira pour toujours
enfin contente
enfin capable de se laisser aller
rejoindre son père, sa mère, ses frères, ses cousines
Nane Locade, Tante Ruth, Cousine Audrey
elle nous aura tous vus
elle les reverra de nouveau
tous les gens qu'elle a connus
et tout le monde qu'elle ne reconnaît plus
enfin pouvoir mourir en paix
une paix qu'elle n'a jamais eu envie de connaître
dans sa vie.
ce soir je vais rêver de prendre l'avion avec ma mère
j’achèterai le billet, à mes propres frais
on va s'embarquer pour un petit voyage en France
pour qu'elle voit Paul une dernière fois
et Léo pour la première
on ira tous les deux dans mon rêve
je te tiendrai la main
et te parler en français en anglais comme tu veux
tu n'as pas besoin de parler
je te dirai tout ce que tu voudras entendre
je reviendrai et elle partira pour toujours
enfin contente
enfin capable de se laisser aller
rejoindre son père, sa mère, ses frères, ses cousines
Nane Locade, Tante Ruth, Cousine Audrey
elle nous aura tous vus
elle les reverra de nouveau
tous les gens qu'elle a connus
et tout le monde qu'elle ne reconnaît plus
enfin pouvoir mourir en paix
une paix qu'elle n'a jamais eu envie de connaître
dans sa vie.
jeudi 13 juin 2013
Le Niveau de la Mer- 9è partie
Lors de ses déplacements,
ses « sorties en ville » comme il les appelait, si on peut appeler un
village de moins de 2 000 habitants une ville, il longeait une des deux rues en
parallèle avec le bayou de chaque côté. Il n’allait jamais de l’autre bord car le gardien qui
l’ouvrait pour laisser passer les bateaux ne l’aimait pas. Victor Cheramie
avait perdu une jambe dans la guerre de Corée. Il n’aimait pas trop en parler.
Tout ce qu’il a dit de cette expérience c’est qu’il n’avait jamais eu aussi
froid de sa vie et qu’il avait juré de ne plus jamais quitter la Louisiane de
sa vie. Ça, et qu’il avait perdu quinze livres en travaillant pour l’Oncle Sam.
Une fois rentré avec une jambe en moins, Victor, qui habitait juste à côté du
pont flottant à la Pointe aux Saucisses, s’est retrouvé un beau jour, on ne
sait pas trop comment mais le fait que son frère faisait un trafic douteux avec
le shérif selon la rumeur, gardien du pont. Quand on passait dessus, on le
voyait couché sur un lit dans la cabine de contrôle à regarder sa télé en noir
et blanc avec les antennes en oreilles de lapin. Ses béquilles s’appuyaient
contre la porte en moustiquaire. Milton avait pris l’habitude de lancer des
coquilles contre la cabine en lui criant dessus, « Cheramie, patate
bouillie, café bouillu, espèce de tchul ». Quand Victor le voyait venir,
il baissait la barrière en bois et ne laissait personne passait. Évidemment,
les autres qui avaient dû attendre ont fait comprendre à Milton qu’il vaudrait
mieux qu’il ne passe plus par là.
Il touchait peut-être un
« tchèque à trou », ces chèques de la sécurité sociale qui était
comme les vieilles cartes trouées pour programmer des ordinateurs. On disait
qu’il avait une fille quelque part, mais je ne l’avais jamais vue et il n'en parlait pas non plus. S’il avait
quelque chose qui ressemblait à un travail, c’était de ramasser les bouteilles
de soda et récupérer cinq sous la bouteille. Lui et le bourriquet longeaient le
chemin à la recherche des pop-tops pour ses œuvres d’art et des bouteilles. Comme
il ne vendait pas les tableaux, sa seule source de revenue visible était la
collecte de bouteilles.
Le verre était lourd et les formes et couleurs aussi
variés que les sodas. Le coke, avec ses contours féminins qu’on disait dessinés
par un Français mais au fait inspirés de la cabosse de cacao, avait un fond
très épais qui pouvait pratiquement servir de lunettes aux malvoyants. Le 7 Up
était d’une élégante couleur verte avec un carré rouge où l’on mettait le nom
au milieu de petits points en guise de bulles de gaz carbonique. Les bouteilles
de Dr. Pepper n’avait rien d’aussi remarquable si ce n’était l’horloge qui ne
portait que les numéros dix, deux et quatre, soi-disant les heures de la
journée auxquelles il fallait le consommer. Le fait que le quatre était à la
place du six me dérangeait énormément.
Mais de loin, ma bouteille
préférée était celle de la bière de racine Barq’s. Enfin, on disait que c’était
de la bière de racine, mais on avait raison de faire remarquer que « Root
Beer » n’était écrit nulle part. Sinon, en toute simplicité on lisait sur
l’étiquette « Drink Barq’s. It’s Good ». Une bande bleue en biais en
haut avec l’impératif de boire, la même bande dans l’autre direction en bas
avec l’affirmation de sa bonté et le nom un peu énigmatique avec ce « q »
à la place de ce que normalement devrait être un « k ». Une bière de
racine avec un nom d’écorce, une sorte d’arbre de la vie pour les adeptes de l’eau
sucrée et carbonisée. Pour les vrais gourmands, la meilleur façon de consommer
le Barq’s était de le verser dans un grand verre qui contenait déjà de la crème glacée
à la vanille. En le versant, la crème flottait, d'où le nom « root beer float ». C’était
simple, rafraîchissant et garantit de vous mettre sur le chemin du diabète sans tracas. Enfin, la partie qui me fascinait le plus de sa bouteille étaient les
losanges en haut-relief au-dessus l’étiquette, juste au-dessous le goulot. Je pouvais
passer des heures à retracer les rainures en zigzag, une errance sans fin au
pays des délices.
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