jeudi 1 décembre 2016

Namasté, vous autres, Publié dans Acadiana Profile, déc. 2016 - jan. 2017.

Namasté, vous autres

Notre culture est tissée de fils venus de l’Europe, de l’Afrique et de l’Amérique, nord et sud. Depuis la fin de la guerre du Viêt-Nam avec l’arrivée des réfugiés dont certains parlaient français et d’autres cultivaient le riz et pêchaient la chevrette, l’influence asiatique se fait sentir de plus en plus fort, notamment dans la poursuite du restaurant servant le meilleur phở. Pourtant, la première colonie asiatique en Amérique était probablement établie en 1763 au bord du Lac Borgne par des rescapés philippins d’un galion de Manille commandé par l’Espagne. Le village, détruit par un ouragan en 1915, s’appelait Saint-Malo et a peut-être fourni quelques combattants qui ont pris les armes contre les Britanniques aux côtés de Jean Lafitte cent ans avant. Plus tard, une autre communauté s’est créée dans la baie de Baratarie où les habitants « dansaient les chevrettes », c’est-à-dire qu’ils marchaient sur ces crustacées séchées au soleil afin d’enlever la carapace. Enfant, lorsque je demandais d’où venaient les petits sachets de « chevrettes sèques » qui se trouvaient à côté des caisses au magasin, on m’avait toujours parlé du village sur pilotis de « Little Manila ». De nos jours, la cuisine indienne est de plus en plus populaire et même le Festival International de Louisiane a honoré la musique et la culture de l’Inde pendant sa dernière Fête du Festival. Bollywood et le curry ne sont pas les seuls produits culturels indiens pour lesquels l’Acadiana cultive une appréciation grandissante. Aussi surprenante que cela puisse paraître, le yoga, après un progrès lent et régulier, a pris de la vitesse dernièrement et ne semble pas ralentir.

Une des pionniers dans la région est Sally Hébert. Elle a grandi aux Opélousas mais vit à Abbéville. Dans les années 70, elle et son mari Calvin ont lu un livre sur le yoga, attisant leur intérêt. À l’époque, il n’y avait pas de classes de yoga aux alentours. Ils ont glané ce qu’ils ont pu d’autres livres qu’ils ont pu trouver sur le sujet. Ils devaient voyager loin, jusqu’aux côtes est et ouest pour approfondir leurs connaissances. Petit à petit, ils ont participé aux ateliers dans des villes de plus en plus proches : Atlanta, Austin, la Nouvelle-Orléans et le Bâton-Rouge. Au début, les gens ne savaient pas trop quoi penser ; est-ce que c’est une religion ou tout simplement bizarre ? Depuis une dizaine d’année, elle voit une plus grande acceptation de cette discipline venue d’Asie comme le constate aussi James Hébert, pas de lien de parenté, qui le pratique depuis la fin des années 90.

Son intérêt a commencé lors qu’un ami et collègue, un instructeur de yoga certifié de surcroît, a partagé ses connaissances sur les philosophies orientales. Quelques temps après, il se trouve sur le tapis en train d’essayer d’assouplir son corps dans les positions traditionnelles en prêtant attention à sa respiration. Seulement quelques classes individuelles existaient, les clubs de sports et les centres de rééducation ne l’ayant pas encore offert régulièrement. Les premiers instructeurs étaient des physiothérapeutes ou des masseurs qui utilisaient le yoga comme supplément de traitement. Selon lui, le point tournant est arrivé quand le gymnase de Red Lerille a commencé à offrir des classes de yoga autour de l’an 2000.


Comment le yoga avec sa discipline physique et son emphase sur le bien-manger, voire le diète végétarienne ou même végane, peut-il s’accorder avec notre joie de vivre et sa devise « Laissez les bons temps rouler » ? Sally pense que la connexion est évidente : afin d’apprécier à fond la vie, il faut se sentir bien dans sa peau. James reconnaît que la pratique assidue de yoga présente un défi chez nous, mais remarque sa popularité croissante. La ténacité nécessaire à le poursuivre pendant des années, un héritage de nos ancêtres enhardis par maintes épreuves, peut-elle expliquer le succès du yoga, attesté par le pullulement récent des cours de certification ? Enfin, un plus grand intérêt dans les options alternatives pour se soigner ne rappelle-t-il pas la curiosité renouvelée pour les remèdes que nos grand-mères concoctaient à partir des plantes du jardin et de la forêt ? Quelle que soit l’origine, l’Acadiana adopte toujours la meilleure partie des autres cultures.