À la recherche de Beausoleil
Accolé
sur la rive gauche d’un des méandres serpentins du Bayou Tèche se trouve le
village de Loreauville, dans la paroisse d’Ibérie. Tout autour, la terre riche
et fertile nourrit les clos de cannes à sucre qui s’étendent à perte de vue.
Plusieurs familles, comme ailleurs chez nous, vivent aussi des divers métiers
associés avec l’industrie de l’huile. Couche sur couche, les sédiments déposés
par une succession d’inondations régulières depuis la nuit des temps ont
enrichi la région jusqu’à l’Eau Haute de 1927, laissant pousser une communauté à
la fois agricole et industrielle basée sur les valeurs qu’on connaît bien en
Acadiana. Le respect de la terre, de la famille et des traditions règne dans ce
petit coin tranquille de notre pays. Pourtant, quelque part enfoui en-dessous
de cette surface féconde se cache un secret dont la révélation risque
d’apporter autant que l’or blanc ou l’or noir, non seulement en terme de donner
une nouvelle source d’énergie économique mais aussi dans la perspective de
renforcer les liens qui nous unissent. Ce n’est pas l’énergie solaire, mais il
s’agit d’un soleil qui porte un nom de famille et une histoire des plus
illustres.
Joseph
Broussard, dit Beausoleil, et ses compagnons, les premiers Acadiens arrivés en
Louisiane en 1765 pour fonder la Nouvelle-Acadie, sont enterrés là quelque part,
ainsi que les traces archéologiques qui nous donneront une idée de comment ils
ont vécu dans ce voisinage autrefois connu comme Fausse Pointe. Le professeur
Mark Rees de l’Université de Louisiane à Lafayette pense qu’il peut les
retrouver et il n’est pas seul dans sa quête. Né d’une idée lancée lors d’une
réunion de l’association Famille Beausoleil, formée des descendants du héros du
Grand Dérangement et de leurs collègues, le Projet Nouvelle-Acadie compte parmi
son comité de pilotage non seulement des Broussard, dont le maire de Loreauville,
mais de nombreux louisianais aussi déterminés que le professeur Rees à
découvrir l’endroit précis. Les premières fouilles aux environs sont
prometteuses et indiquent la présence d’une forte activité au passé.
Rien
que la taille de la maison d’Armand Broussard, un des fils de Joseph, construite
un quart de siècle après les premières arrivées acadiennes, fait preuve d’une
réussite matérielle impressionnante. À sa mort, le patrimoine d’Armand était
estimé à 65 000$, ce qui en ferait un millionnaire de nos jours. Sa maison, qui
date de 1790, se trouve dans le parc historique Vermilionville. Elle a été
déménagée de la région où l’on cherche la présence des tombes et des premières
installations de ces pauvres défunts, décédés sous le coup de la fièvre jaune
et d’autres maladies tropicales en arrivant comme tant d’autres avant et après.
Il est évident que les premières constructions n’avaient rien d’aussi cossues.
Leur emplacement exact reste un mystère pour l’instant, mais le Projet
Nouvelle-Acadie a bien l’intention de le dévoiler avant que le développement de
nouveaux lotissements ne risque de les couvrir ou les détruire à jamais. Une
fois découvert, le site peut devenir un centre important de tourisme et
d’éducation.
Le
Projet Nouvelle-Acadie, en plus de sa mission d’aider le financement des
travaux, a annoncé ses quatre raisons d’être. La première est de promouvoir
l’économie culturelle en incluant la communauté dans la planification de la
gestion des ressources culturelles. Deuxièmement, c’est de faire avancer la
connaissance de l’histoire des premiers établissements et sites d’enterrement
acadiens en les localisant. Ensuite, on veut délinéer et comprendre les modèles
d’établissement des foyers en Nouvelle-Acadie. Enfin, le groupe aimerait
examiner les preuves des expressions d’identité culturelle et ethnique, tout en
tenant compte des relations variables entre l’histoire, l’identité et le
terrain. Selon le professeur Rees, le manque de connaissance à l’égard des ces
propriétés et tombes anonymes a mis ces sites à risque de destruction et de
négliger une occasion d’étendre l’économie culturelle.
Il
est inconcevable de penser qu’avec toute l’importance le personnage de Beausoleil,
on ne sait quand même pas où se trouve sa dernière demeure après avoir mené une
guerre pour la liberté de son peuple. Mais comme dit le proverbe latin,
« L’argent est le nerf de la guerre ». Grâce aux efforts du projet,
on va trouver l’argent nécessaire pour honorer la mémoire des premiers Acadiens
et pour continuer leur testament de prospérité.
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