La Grègue est chaude : le café est servi en Acadiana.
Avec la prolifération de cafés sur chaque
coin de rue, les jeunes auraient du mal à croire qu’à une époque le café aux
États-Unis avait une très mauvaise réputation. Il était pratiquement imbuvable.
N’importe où on commandait une tasse de café, on se retrouvait en général devant
une tasse contentait un liquide brunâtre qui laissait voir le fond. Si on
voulait un café et on n’était pas chez soi, il fallait tenter ses chances dans
un restaurant, un bar ou peut-être une station-service. Les amateurs d’un bon
café, touristes venant de l’Europe ou de l’Amérique latine par exemple, avaient
même un nom pour cette faible décoction qu’ils prononçaient avec dédain,
« le café américain ». Les Français, avec leur franc-parler habituel,
l’appelait du « jus de chaussettes ». C’était le cas partout dans le
pays; partout sauf dans le sud de la Louisiane où la longue tradition d’un bon
café révèle nos origines française et latine.
Quand une chaîne de café avec une sirène comme mascotte a lancé un café robuste sur le marché national, propulsant la construction de cafés en quantité industrielle, une blague circulait en Acadiana. C’est l’histoire de Boudreaux qui a essayé ce café de l’état de Washington pour la première fois. Il a avalé une gorgée et s’est demandé pourquoi le monde faisait tout ce potin. Même si c’était bien meilleur de ce qu’on trouvait ailleurs, ce n’était en rien comparable au café qu’on faisait dans l’objet indispensable dans une cuisine cadienne ou créole : la grègue. Largement un objet de collection nostalgique aujourd’hui, remplacée en grande partie par Mr. Coffee ou Keurig, la grègue était au centre de la vie familiale. On dit que le nom « grègue » vient de la forme qui rappelle les robes style empire, inspirées par le néo-classicisme grecque, avec la taille haute et serrée affectionnée notamment par Joséphine de Beauharnais. La grègue tient sa place d’honneur dans la panoplie culinaire louisianaise au même titre que la chaudière noire ou la cuillère en bois. Bien avant les cafés modernes, les Louisianais se rassemblaient autour de la table de cuisine ou sur la galerie avec une bonne tasse de café noir et fort pour faire « la veillée ».
Que ce soient des chaînes nationales
ou des torréfacteurs locaux, il est aisé de trouver du café préparé à son goût.
Selon l’écrivain Michael Pollen, le café était responsable pour la plupart des
progrès scientifiques et sociaux pendant le Siècle des Lumières. La caféine a
stimulé les neurones des penseurs comme Voltaire et Diderot qui se réunissaient
au Café Procope pour discuter les idées qui allaient changer le monde. Quand je
suis en train de travailler dans mon café préféré et, comme la plupart des
autres clients, je me trouve derrière l’écran de mon ordi avec mes écouteurs enfoncés
dans mes oreilles, je me demande souvent ce qu’ils auraient pensé des gens qui
ne se parlaient pas en lieu public. Peut-être qu’ils auraient pensé qu’au
moins, le café est toujours aussi bon.