mardi 1 avril 2014

L’eau, c’est la vie: publié le 1er avril dans Acadiana Profile.

L’année prochaine, on va commémorer les cent cinquante ans de la fin de la Guerre de Sécession, ou la Guerre des Confédérés comme on dit en français louisianais. Entre 1865 et 1870, après la terrible mortalité associée avec la guerre américaine la plus meurtrière de l’histoire, l’espérance de vie aux États-Unis était environ 45 ans. Selon une étude récente du bureau du recensement, l’espérance de vie en moyenne en 2015 sera de presque 79 ans. Cela représente une progression fulgurante de 75%. Cent cinquante ans peuvent sembler une éternité, mais pour mettre les choses en perspective, j’avais un arrière-grand-oncle qui est mort en 1990 à l’âge de 103. Il est né donc en 1887. De l’autre côté de la famille, mon grand-père maternel est né en 1892. Je les ai bien connus tous les deux, ainsi d’autres individus de leur génération. Ils étaient adolescents avant la Première guerre mondiale, la Grande Guerre, qui a commencé en Europe il y a cent ans cette année. Si à ce moment ils connaissaient des gens dans la soixantaine ou plus, et je suis sûr qu’il y en avait, ils connaissaient des survivants de notre guerre civile. Tout ça pour dire que j’ai connu des gens qui ont côtoyé une génération qui a vécu dans un monde bien différent du nôtre, la période dite antebellum. Depuis ce temps, on a fait d’énormes progrès pour améliorer notre niveau de vie. Parmi les plus grandes et les plus importantes des différences est le presque redoublement du nombre d’années qu’une personne peut espérer vivre.

Sans trop réfléchir, on peut penser à de nombreuses raisons pour cette augmentation impressionnante. Certes, le progrès technologique, industriel et médical y joue un rôle important. Les nouveaux médicaments, les antibiotiques, les appareils pour faire un diagnostic rapide et juste ont contribué largement. Mais le facteur numéro un qui a prolongé la vie humaine d’une façon aussi remarquable vient de quelque chose que nous prenons comme acquis de nos jours et qui, si on ne se rend pas compte de sa fragilité, pourrait redevenir une rareté comme au temps de la Louisiane des États Confédérés. Bon nombre de scientifiques, notamment David Cutler de Harvard et Grant Miller de Stanford, attribuent une grande partie de ces progrès à quelque chose d’aussi simple que l’accès à l’eau propre. « Nous avons trouvé que l’eau propre était responsable pour presque la moitié des réductions de la mortalité dans les grandes villes, les trois-quarts des réductions de la mortalité des nourrissons et presque les deux-tiers des réductions de la mortalité des enfants. » Autrement dit, l’espérance de vie était si basse autrefois parce que beaucoup d’enfants n’arrivaient pas à l’âge adulte. Ils n’avaient pas à l’âge adulte parce qu’ils ne pouvaient pas ouvrir le robinet et s’attendre à ce que l’eau potable en sorte en grande quantité.

De nos jours en Louisiane, on est arrivé à un point critique dans notre histoire. À beaucoup d’égard, notre état existe à cause de l’eau. On est littéralement défini par l’eau : le Mississipi, le Sabine, le Perle et le Golfe du Mexique forment nos frontières. Combinés avec les innombrables bayous, criques, coulées, marécages et estuaires, ils fournissent non seulement les moyens pour gagner notre vie, mais notre vie tout court. D’autres états ont des phases de sécheresses régulières, voire chroniques. En Louisiane, on a le problème opposé. Cette surabondance de richesse aqueuse nous oblige d’agir en économe reconnaissant de nos ressources. Nous avons une autre ressource importante qui fait vivre la population. L’industrie pétrolière tient une place essentielle dans l’économie de l’état, cela va de soi. On l’accuse aussi d’avoir fait beaucoup de tort à notre écosystème, de l’invasion de l’eau salée par les canaux qu’elle a creusés jusqu’aux produits chimiques qui se trouvent dans notre eau potable. On dit que l’eau et l’huile ne se mélangent pas. C’est peut-être vrai, mais il faut qu’on découvre la manière de les faire vivre ensemble, pour garder la qualité et la quantité de la vie au niveau qu’on connaît grâce largement aux progrès qu’on a faits en santé publique et innovation industrielle depuis la Guerre des Confédérés. On n’a pas le choix. Notre vie en Louisiane en dépend.


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