mardi 29 juillet 2014

Le Congrès Mondial Acadien 2014 : 20 ans déjà

Le Congrès Mondial Acadien 2014 : 20 ans déjà. Publié dans Acadiana Profile Août-Septembre 2014.

C’est une sorte de justice poétique pour qu’un peuple qui a connu la déportation dans l’année fatidique de 1755 ait une drôle d’habitude de se rassembler tous les cinq ans. Le Congrès Mondial Acadien se réunit pour la cinquième fois cet été du 8 au 24 août dans deux provinces canadiennes et un état américain. Le Québec, le Nouveau-Brunswick et le Maine forment, le temps de cette grande réunion de famille, l’Acadie des Terres et Forêts. Si la formule utilisée par l’historien Carl Brasseaux comme titre de son livre « Épaillés au vent » reflètent la réalité du Grand Dérangement, il semble que le vent souffle avec une étonnante régularité pour les regrouper. La Louisiane et la Nouvelle-Écosse ont aussi accueilli de nombreux Acadiens de souche ou de cœur avec des réunions de famille et des événements culturels où s’annonçait la fierté acadienne haut et fort. Comme souvent dans l’histoire acadienne, et malgré une longue tradition de conventions nationales acadiennes qui datent du XIXe siècle, le CMA a failli être un rendez-vous manqué. Les Acadiens sont célèbres pour leur ténacité, d’être « tête dure ». Même parmi eux, il y en a un de particulièrement têtu et c’est en grande partie grâce à lui que le processus qui a mené au premier congrès en 1994 s’est déclenché.

En 1988 lors d’un discours devant l’Association acadienne de l’Alberta, Jean-Marie Nadeau a lancé l’idée du CMA. Le précédent était établi en 1881 et 1884 dans les villes de Memramcook et de Miscouche respectivement où quelques 5 000 Acadiens ont choisi les symboles qu’on connaît encore aujourd’hui : une fête, le 15 août; un hymne, Ave Maris Stella; un drapeau, le tricolore étoilé; et une devise, l’Union fait la force. Il y en a eu quatorze conventions après, mais les bases d’une Acadie politique, ou d’une politique acadienne du moins, étaient désormais en place. Le nationalisme militant de Nadeau n’était un secret pour personne depuis les années 70 avec sa participation au Parti acadien qui prônait la création d’une province acadienne. Son franc-parler, une autre qualité acadienne qu’il possède en grande quantité, ne le mettait pas toujours dans les bonnes grâces des instances politiques. De ce fait, il a dû passer le bâton à une équipe déterminée à faire vivre une certaine idée de l’Acadie menée par André Boudreau. Même si André n’est plus de ce monde, il est décédé en 2005, celui que lui, Jean-Marie et bien d’autres ont travaillé si fort à créer est toujours avec nous. En plus, chaque CMA semble avoir des répercussions aussi fertiles qu’inattendues.

Grâce au CMA 1994, le Nouveau-Brunswick a accueilli le Sommet de la Francophonie en 1999. Cette rencontre des chefs d’état francophones a mis la lumière sur la ville de Moncton. Donc un sommet international du monde francophone a eu lieu dans une ville nommée pour un des architectes du Grand Dérangement, l’officier britannique Robert Monckton. Cette ironie n’était pas perdue pour le premier ministre québécois de l’époque, Lucien Bouchard, qui a déclaré que « désormais le nom de Moncton sera associé avec la langue française pour toujours. » En cette même année, la Louisiane recevait les Acadiens du monde entier pour le deuxième CMA. Malgré l’été louisianais, des milliers de participants ont célébré l’héritage des Acadiens chez nous. Il ne faut pas oublier que 1999 était également l’année de la FrancoFête, la célébration du tricentenaire de la fondation de la Louisiane comme colonie française. Quatre ans plus tard, on a marqué notre passation de la France aux États-Unis avec beaucoup d’éclats. Les faits historiques continuent à jalonner notre territoire culturel.

La pérennité étant assurée, le site du CMA 2019 a déjà été choisi. Le sud-est du Nouveau-Brunswick et l’île du Prince-Édouard s’associent pour assumer la responsabilité de l’organiser à travers le détroit de Northumberland, autrefois connu par son nom français, la Mer Rouge. L’année prochaine, au mois d’octobre quand la température est plus clémente, le deuxième Grand Réveil Acadien aura lieu en Louisiane. On ne peut pas savoir si jamais le CMA va retourner en Louisiane, les dates autour du 15 août étant obligatoires, mais on sait que les Acadiens de partout reconnaissent que là où passe le CMA, l’Acadie se perpétue comme des graines épaillées au vent.


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