mardi 31 janvier 2017

Les Grammys « inattenduables » Publié dans Acadiana Profile février-mars 2017

Les Grammys « inattenduables »

Un ami a dessiné une carte une fois qu’il appelait, « Je ne suis pas sûr, mais je crois que toute musique vient de la Louisiane ». La page était remplie d’images d’artistes associés avec plusieurs endroits à travers l’état. Évidemment Louis Armstrong à la Nouvelle-Orléans et Elvis au Louisiana Hayride à Shreveport y figuraient, mais aussi des praticiens de blues, de gospel, de musique classique, de zarico et de musique cadienne dans de nombreuses villes. C’est comme si la terre du delta du Mississipi nourrissait plus que le coton et la canne à sucre. Un lien existe certainement entre ce travail agricole et la création musicale florissante. La carte témoignait d’une forte concentration de musiciens de grand talent à Lafayette et ses environs. La majorité des gens étaient des inconnus pour la plupart qui n’ont jamais imaginé qu’ils faisaient une contribution culturelle importante. Ils n’auraient jamais cru que la musique qu’ils jouaient pour s’amuser après une dure semaine de travail aurait mérité une reconnaissance spéciale, encore moins sa propre catégorie aux Grammys.

La 59e cérémonie de remises des statuettes en forme de gramophones aura lieu le 12 février 2017. À date, on ne connaît que celles et ceux qui sont en lice pour recevoir ce trophée tant convoité. Il est modelé sur l’invention de Thomas Edison, mais le premier appareil qui transcrivait le son était le « phonautographe » inventé en 1857 par le Français Édouard-Léon Scott de Martinville. Sa machine ne pouvait pas reproduire le son, seulement le tracer sur du papier. Mais, en 2008, une équipe d’ingénieurs a pu transformer des lignes tracées en 1860 en son pour révéler le plus vieil enregistrement de la voix humaine connue, la comptine classique, « Au clair de la lune ». Avec toutes ces connections culturelles et historiques, ce n’est pas étonnant que les musiciens louisianais dominent dans plusieurs catégories, notamment celle des Racines régionales qui compte cette année des disques surprenants pour ne pas en dire plus. Malgré la riche tradition musicale, ce n’était pas toujours évident qu’elle soit reconnue à part entière.

En 1996, le groupe Beausoleil avec Michael Doucet a gagné le Grammy dans la catégorie Folk traditionnel, une sorte de fourre-tout où l’on trouvait des artistes célèbres comme Bob Dylan et Pete Seeger. Pour rendre la compétition plus juste, Terrance et Cynthia Simien ont mené une bataille tenace qui a abouti à la création de la catégorie Zarico et Musique cadienne. Elle n’a duré que quatre ans, mais c’était assez pour que Beausoleil gagne une deuxième fois, ainsi que Simien, Chubby Carrier et le regretté Buckwheat Zydeco. Depuis l’établissement en 2012 de la catégorie Racines régionales, le cadien, le zarico et d’autres genres typiquement louisianais, mais aussi d’autres comme les musiques hawaïenne et amérindienne se regroupent. On domine largement avec les cinq gagnants jusqu’à date étant louisianais d’origine ou d’adoption : Rebirth Brass Band, Courtbouillon, Terrance Simien, Jo-El Sonnier et Jon Cleary. Une belle palette des couleurs vives qui montrent une large gamme de talent.


Trois des cinq nominés cette année sont louisianais, mais à les regarder de près, on observe un condensé de plusieurs influences musicales et de quelque chose d’ « inattenduable » selon le comité de sélection. Curieusement, il n’y a pas d’artiste qu’on peut strictement classifier comme cadien ou zarico. « I Wanna Sing Right : Rediscovering Lomax in Evangeline Country » une compilation de plusieurs artistes, « Gulfstream » de Roddy Romero et les Hub City All-Stars, et probablement le plus atypique de tous, « Broken Promised Land » de Barry Jean Ancelet et Sam Broussard se présentent contre des nominés amérindiens et hawaïens. Sing Right est basé sur des chansons traditionnelles premièrement enregistrées par Alan Lomax et re-envisagées par des musiciens modernes sous l’égide de Joshua Caffery et de Joël Savoy. Gulfstream est plutôt dans le genre Americana avec une bonne dose de soirée louisianaise du samedi soir. Le dernier est sui generis, d’où la qualification d’ « inattenduable ». Un peu de blues, une pincée de poésie, beaucoup de ballades traditionnelles. Vraiment du jamais entendu. Enfin, on ne devrait pas s’étonner. Si la diversité de la culture de la Louisiane nous a appris une chose, c’est qu’il faut s’attendre à l’inattendu. 

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