Allons à
Lafayette. Publié en avril-mai 2012 dans Acadiana Profile
On peut
dire dans une certaine mesure que l’ère moderne de la musique cadienne est née
le 27 avril 1928. C’est le jour où Cléoma Breaux et Joe Falcon, femme et mari
dans la vie, sont rentrés dans un studio à la Nouvelle-Orléans pour enregistrer
« La Valse qui m’a porté à ma fosse ». Vu le titre, c’est peut-être
une bonne chose qu’on ne l’entend presque plus. À l’époque, pour faire un
disque, on avait évidemment besoin de deux chansons pour graver de chaque côté
l’épais vinyle des 78 tours. Dans un retournement heureux des événements, au
lieu de retenir le nom d’une chanson qui lamente la mort d’une bien-aimée, l’histoire
nous dit que la première chanson cadienne enregistrée était au fait le côté B. Basée
sur « Jeunes gens de la campagne », une chanson traditionnelle, « Allons à
Lafayette » raconte l’histoire de l’amour qu’a un jeune homme pour la
femme qu’il veut épouser et ainsi changer son nom en « Madame Canaille Comeaux ».
Elle est devenue depuis une des plus chantées du répertoire cadien.
Le titre
présageait la transformation de Lafayette, justement nommé la ville du moyeu,
en centre de la musique cadienne. Certes, la Ville Platte a joué un rôle
important avec la maison de disques Swallow, fondée par Floyd Soileau ainsi que
Eunice avec le Rendez-Vous des Cajuns et le Centre de musique Savoy avec sa
manufacture d’accordéons et son jam dirigés par Marc Savoy et j’en passe. Néanmoins,
toutes les activités aux alentours semblent s’émettre de Lafayette, tels les
rayons des roues d’un wagon portant les musiciens pour un courir de Mardi Gras.
Lafayette
est fière d’offrir une variété de musique sur une pléthore de scènes pour le modique
prix de rien du tout. Certains vendredi après-midi sont agrémentés par les sons
des groupes musicaux allant de cadien et zarico jusqu’à rock, swamp pop et jazz
avec Downtown Alive! Le point culminant de l’automne est indéniablement les
Festivals Acadiens et Créoles. Une invitation à y jouer est considéré comme
l’initiation dans le club des musiciens cadiens et créoles qui comptent.
Pourtant, avec toute l’attention que méritent à juste titre la musique cadienne
et le zarico, il ne faut pas oublier que ces genres qui ont introduit notre culture
au reste du monde ont également servi d’invitation aux voyageurs en quête de
cultures authentiques. Nos invités ont amené avec eux des petits cadeaux sous
forme des chansons des vieux pays. Des Haïtiens, des Québécois, des Belges et
des Français étaient parmi les premiers visiteurs. D’autres musiciens régionaux
des Appalaches, de l’Irlande ou de Jamaïque étaient des pèlerins remontant le
temps, venant d’un temps hors du temps. Petit à petit, presque toute l’humanité
a trouvé son chemin jusqu’à notre porte. Pas celle d’en arrière, la grande
porte de devant qui nous ouvrait sur d’autres lieux et d’autres dates à marquer
au feutre rouge sur le calendrier, comme les 25-29 avril du Festival
International de Louisiane.
En même
temps qu’une nouvelle génération de musiciens locaux apprenait « Allons à
Lafayette », « Jolie Blonde », « Les Haricots sont pas
salés » et d’autres classiques, au Festival International ils
s’imprégnaient des cadences des musiques venues d’ailleurs : le
Moyen-Orient, l’Amérique latine ou l’Europe centrale, ainsi que la Francophonie.
C’est cette fusion de l’ancien et du nouveau, du près et du loin, de l’asteure
et du jamais, que l’on trouve dans de nombreux groupes nouveaux. Non seulement
Feufollet, Cedric Watson, ou les Red Stick Ramblers doivent beaucoup à ce
mélange mondial, mais aussi des groupes moins identifiés avec ce mouvement tels
Brass Bed, Vagabond Swing ou certainement GIVERS, un groupe qui semble à lui
seul distiller toutes ces influences dans l’explosion de sons et de couleurs
qu’on trouve au Festival International de Louisiane.
Cette
année, en même temps que le FIL célèbre son 26è anniversaire et le 200è
anniversaire de la Louisiane en tant qu’état américain, on marque les 84 ans de
ce premier enregistrement cadien. La chanson ne nous dit pas si les jeunes
amoureux se sont mariés pour finir ou pas, mais, comme dans les contes de fées,
ils eurent beaucoup d’enfants.
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