lundi 15 avril 2013


Le Jardin des Traiteurs. Publié en août-septembre 2012 dans Acadiana Profile.

La question des soins médicaux est au centre du débat politique de cette saison. Est-ce qu’on veut un système géré par le gouvernement, par le secteur privé ou une combinaison des deux? Est-ce qu’on veut un médecin de son propre choix ou celui que la compagnie d’assurance pourvoit à moindre frais? Quelles décisions à prendre quand la vie est menacée? Beaucoup de choix difficiles à faire. Il n’y a pas trop longtemps, le seul choix qui se présentait aux malades n’était pas entre quel plan ou quel docteur, mais entre quelles mauvaises herbes qui poussaient dans le jardin ou dans le clos. Pendant des années, lorsque les hôpitaux étaient loin ou inexistants, les familles puisaient dans les archives de la mémoire vivante des anciens. Presque tout le monde en Acadiana a connu, ou connaît encore, au moins un ou deux « traiteurs ». Certains soignaient par les prières et l’imposition des mains; d’autres avaient une connaissance profonde des différentes plantes qui pullulaient partout et n’importe où. Le don de traiter telle ou telle maladie – les traiteurs ont d’habitude une seule spécialité : coup de soleil, saignement du nez ou verrues par exemple – est traditionnellement transmis de génération en génération. Pour celles et ceux qui n’ont pas reçu le don, d’autres méthodes de soins sont littéralement à porter de main. Il suffit de se donner la peine de se baisser pour les ramasser.

Parmi toutes les plantes médicinales, la plus connue est sans doute le mamou. Erythrina herbacea est facilement reconnu par ses feuilles tripartites, sa gerbe de fleurs écarlates et ses fèves rouges et luisantes sortant des gousses noires fendues. Les graines et les racines se trouvent dans la recette d’un sirop pour traiter les symptômes d’une grippe, d’une pneumonie, d’une bronchite, d’un rhume ou de la coqueluche. Il peut aussi traiter la fièvre et les crampes d’estomac. Une vraie panacée, presque comme l’élixir célèbre, le « Hadacol » de Dudley LeBlanc. Beaucoup ignorent qu’il avait un autre tonique, « Dixie Dew Mamou » contre la toux. Encore aujourd’hui, on peut trouver des gens qui préparent leur tisane anti-toux à base de mamou.

Presque toutes les parties du sureau sont employées dans une variété de remèdes. On se sert des fleurs contre la rougeole, des bourgeons contre la fièvre, les frissons et les maux de têtes et de la moelle de la tige pour laver une infection des yeux. On dit que les fleurs sont particulièrement puissantes si on les cueille pour la Saint-Jean-Baptiste, le 24 juin.

L’herbe à Malo produit des gousses qui ressemblent à une queue de lézard. On utilise toutes ses parties pour ses qualités anti-inflammatoires et apaisantes. On sert une tisane faite de cette plante aux bébés qui mettent des dents, on fait un cataplasme à poser directement sur la peau en cas de blessure ou d’inflammation. En général, on peut la trouver dans des zones humides. Autant dire qu’on peut la trouver un peu partout en Louisiane.

On n’a pas besoin de sortir de chez soi pour se procurer d’autres plantes soignantes. Il suffit de regarder dans les placards de la cuisine. La menthe, le petit laurier ou le sassafras ont aussi des qualités médicinales. La menthe est indiquée pour les problèmes de digestion, le petit laurier pour les inflammations et le sassafras pour l’extraction du poison des piqûres d’insectes. Ce dernier sert aussi à faire un thé qui est censé « faire chauffer le sang » ou un breuvage rafraîchissant largement apprécié, la bière de racine. Sans parler du filé pour le gombo.

Vous avez des agacements de gencives? La chassepareille ferait l’affaire. La glaie bleue soulagerait les brûlures, l’assiminier atténuerait la constipation et comme son nom l’indique l’herbe à vers vous débarrasserait des vers, ainsi que la serpentine réputée efficace contre les morsures de serpent. Le vin de soco fait maison est une tradition chez nous, mais saviez-vous que les feuilles sont l’ingrédient principal dans le remède contre les problèmes de reins?

Étant donné que la vaste majorité des médicaments prescrits sont tirés à l’origine des plantes médicinales, nous avons tous intérêt à écouter la sagesse des anciens et réfléchir deux fois avant d’arracher cette mauvaise herbe qui pourrait sauver une vie.

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