Le Jardin des Traiteurs. Publié en août-septembre 2012 dans Acadiana Profile.
La question
des soins médicaux est au centre du débat politique de cette saison. Est-ce
qu’on veut un système géré par le gouvernement, par le secteur privé ou une
combinaison des deux? Est-ce qu’on veut un médecin de son propre choix ou celui
que la compagnie d’assurance pourvoit à moindre frais? Quelles décisions à
prendre quand la vie est menacée? Beaucoup de choix difficiles à faire. Il n’y
a pas trop longtemps, le seul choix qui se présentait aux malades n’était pas entre
quel plan ou quel docteur, mais entre quelles mauvaises herbes qui poussaient
dans le jardin ou dans le clos. Pendant des années, lorsque les hôpitaux
étaient loin ou inexistants, les familles puisaient dans les archives de la
mémoire vivante des anciens. Presque tout le monde en Acadiana a connu, ou
connaît encore, au moins un ou deux « traiteurs ». Certains
soignaient par les prières et l’imposition des mains; d’autres avaient une
connaissance profonde des différentes plantes qui pullulaient partout et
n’importe où. Le don de traiter telle ou telle maladie – les traiteurs ont d’habitude
une seule spécialité : coup de soleil, saignement du nez ou verrues par
exemple – est traditionnellement transmis de génération en génération. Pour
celles et ceux qui n’ont pas reçu le don, d’autres méthodes de soins sont
littéralement à porter de main. Il suffit de se donner la peine de se baisser
pour les ramasser.
Parmi toutes
les plantes médicinales, la plus connue est sans doute le mamou. Erythrina herbacea est facilement
reconnu par ses feuilles tripartites, sa gerbe de fleurs écarlates et ses fèves
rouges et luisantes sortant des gousses noires fendues. Les graines et les racines
se trouvent dans la recette d’un sirop pour traiter les symptômes d’une grippe,
d’une pneumonie, d’une bronchite, d’un rhume ou de la coqueluche. Il peut aussi
traiter la fièvre et les crampes d’estomac. Une vraie panacée, presque comme l’élixir
célèbre, le « Hadacol » de Dudley LeBlanc. Beaucoup ignorent qu’il
avait un autre tonique, « Dixie Dew Mamou » contre la toux.
Encore aujourd’hui, on peut trouver des gens qui préparent leur tisane
anti-toux à base de mamou.
Presque
toutes les parties du sureau sont employées dans une variété de remèdes. On se
sert des fleurs contre la rougeole, des bourgeons contre la fièvre, les
frissons et les maux de têtes et de la moelle de la tige pour laver une
infection des yeux. On dit que les fleurs sont particulièrement puissantes si
on les cueille pour la Saint-Jean-Baptiste, le 24 juin.
L’herbe à
Malo produit des gousses qui ressemblent à une queue de lézard. On utilise
toutes ses parties pour ses qualités anti-inflammatoires et apaisantes. On sert
une tisane faite de cette plante aux bébés qui mettent des dents, on fait un
cataplasme à poser directement sur la peau en cas de blessure ou
d’inflammation. En général, on peut la trouver dans des zones humides. Autant
dire qu’on peut la trouver un peu partout en Louisiane.
On n’a pas
besoin de sortir de chez soi pour se procurer d’autres plantes soignantes. Il
suffit de regarder dans les placards de la cuisine. La menthe, le petit laurier
ou le sassafras ont aussi des qualités médicinales. La menthe est indiquée pour
les problèmes de digestion, le petit laurier pour les inflammations et le
sassafras pour l’extraction du poison des piqûres d’insectes. Ce dernier sert
aussi à faire un thé qui est censé « faire chauffer le sang » ou un
breuvage rafraîchissant largement apprécié, la bière de racine. Sans parler du
filé pour le gombo.
Vous avez
des agacements de gencives? La chassepareille ferait l’affaire. La glaie bleue
soulagerait les brûlures, l’assiminier atténuerait la constipation et comme son
nom l’indique l’herbe à vers vous débarrasserait des vers, ainsi que la
serpentine réputée efficace contre les morsures de serpent. Le vin de soco fait
maison est une tradition chez nous, mais saviez-vous que les feuilles sont
l’ingrédient principal dans le remède contre les problèmes de reins?
Étant donné
que la vaste majorité des médicaments prescrits sont tirés à l’origine des
plantes médicinales, nous avons tous intérêt à écouter la sagesse des anciens
et réfléchir deux fois avant d’arracher cette mauvaise herbe qui pourrait
sauver une vie.
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