lundi 15 avril 2013


Les étrangers d’une autre famille. Publié en décembre 2011 - janvier 2012 dans Acadiana Profile
“Ne vaut-il pas mieux que la rive opposée du Mississipi soit colonisée par nos propres frères et enfants que par des étrangers d’une autre famille? Avec lesquels serons-nous le plus apte de vivre en harmonie et d’avoir des rapports amicaux?” Thomas Jefferson.
L'année prochaine marquera le 200e anniversaire de l'entrée de la Louisiane dans l'Union américaine, même si certains diront en plaisantant que tout le monde n’a pas eu la nouvelle. Restant fidèle à notre image de vouloir célébrer chaque instant de la vie, 2012 promet de nous fournir plusieurs occasions de se réunir pour des foires, fêtes et festivals afin d’affirmer notre identité américaine à notre façon. Il va sans dire que les Louisianais sont fiers de faire partie des États-Unis, même si tous les temps en temps quelqu'un menace, avec ironie ambiguë, de lancer un mouvement d'indépendance. La Commission du bicentenaire présidée comme il se doit par le véritable héros américain et fier créole, le lieutenant-général Russel Honoré, coordonne les activités visant à faire mieux connaître la riche histoire de notre Etat. Tout au long de l'année, beaucoup d'événements aura lieu pour commémorer la fin de notre passage du bleu, blanc, rouge au rouge, blanc, bleu.
Avant de pouvoir devenir un état, la Louisiane devait satisfaire à plusieurs critères, notamment l'utilisation de l'anglais à ses instances officielles et la définition de ses frontières. Le Louisiana Enabling Act de 1811 a précisé que les lois de la Louisiane devaient être promulguées dans la même langue que la Constitution des États-Unis d'Amérique. La législature de la Louisiane a commencé à introduire l’anglais mais sans pour autant abandonner entièrement le français. Louisiane fonctionnait entièrement dans les deux langues jusqu'à la Guerre de Sécession et partiellement donc encore aujourd'hui. Et en lisant ailleurs dans la présente loi, on se rend compte qu'elle entendait diluer autant que possible l'influence de ces « étrangers d'une autre famille » dans l'établissement des frontières du nouvel état. Par exemple, l'ajout de la région connue comme les paroisses floridiennes, où se sont installés en grande partie des Anglophones et en grande partie ne faisait pas partie du territoire Louisiane original, parle aussi de cette volonté de contrebalancer l'influence française. Il n'est pas surprenant que la lutte entre l'acceptation du nouveau statut et le maintien de l'ancien dure à ce jour.
Il est vrai qu'encore aujourd'hui on peut souvent entendre le mot Américain, en anglais, pour parler de nos concitoyens d'origine anglo-saxonne. J'ai eu un bon ami qui résume cette schizophrénie politique et linguistique dans la sublime phrase, "I am American, mais je suis pas américain." Néanmoins, la période de transition entre l'achat de la Louisiane de 1803 et création de l'État en 1812 est l'un d'un processus d'assimilation qui, comme nous le savons, n'est pas tout à fait terminé et ne le sera probablement jamais. En plus, et en dépit de la diminution de la fréquence du français parlé, on peut même parler de l'assimilation inverse des Américains vers notre mode de vie, notre fameuse joie de vivre. La preuve, il suffit de remarquer le nombre de touristes qui visitent notre État et finissent par rester ici. C'est le signe plus sûr que la culture survivra. Devenir américain n'est pas une destination mais un processus. Chaque groupe ethnique devient américain à sa façon, bien sûr, mais je ne suis pas un peu fier de voir que nous avons « louisianifier» bon nombre d’Américains.
Même s’il était francophone et francophile, Thomas Jefferson, comme cette citation semble indiquer, a préféré parler le français à Paris, plutôt qu'à la Nouvelle Orléans. Les cinq années passées en France en tant que ministre des affaires étrangères au début de la Révolution française ont-elles laissé un mauvais goût dans sa bouche et contribué à son insistance sur une transformation complète de la Louisiane en état anglophone ? Je me demande ce qu'il dirait s'il était parmi nous aujourd'hui et remarquait que, malgré ses efforts pour absorber la population Francophone, nous parlons encore français en Louisiane et de plus en plus même depuis un certain temps. Bien sûr, nous ne pouvons pas savoir avec certitude, mais j'ai comme un vague sentiment que lui aussi il dirait, « Laissez les bons temps rouler » – en français dans le texte.

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