Le Gombo.
Publié en décembre 2012 – janvier 2013 dans Acadiana Profile.
Pour un état
avec une réputation bien méritée pour une cuisine diverse et extraordinaire, il
semblerait logique que la compétition pour nommer notre plat national soit
rude. Rien qu’avec l’énorme variété d’ingrédients – les gibiers comme le
canard, le chevreuil ou la dinde; les fruits de mer comme la chevrette, la
crabe, l’huître ou plusieurs espèces de poisson; les fruits tels la plaquemine,
le melon français ou la pomme de mai; les légumes comme la brème, la ciblème ou
le giraumon; les graines comme le riz et le maïs; et bien sûr les animaux
domestiques et exotiques comme la poule et le cocodrie, le cochon et le poisson
armé, ou la vache et le ouaouaron – on peut imaginer et créer des centaines de
recettes. Néanmoins, parmi tous les plats qu’on peut cuisiner, le jambalaya, le
ragoût, la bisque, l’étouffée, le far, le boudin, la daube, la panse bourrée,
le maque choux, … (enfin, vous avez compris l’idée), il n’y en a qu’un qui mérite
le titre de plat national par excellence des Cadiens et Créoles de la Louisiane :
le gombo!
Pour toute
sa célébrité, ses origines restent aussi obscures et épaisses que le gombo
même. En français louisianais, le mot désigne deux choses : la soupe et un
légume que les Français appellent la corne grecque et les Américains l’okra. Le
nom est d’origine africaine, peut-être du bantou ou plus probablement du
bambara. Et pour compliquer la chose, on peut faire du gombo avec des gombos.
Dans ce cas-là, on l’appelle du gombo févi, févi étant un autre mot africain
pour gombo. Les premières références historiques au gombo qu’on peut trouver
datent de l’Achat de la Louisiane au début du 19è siècle. Auparavant, les
Acadiens d’avant le Grand Dérangement préféraient une soupe de la Toussaint, faite avec des navets, des choux et parfois
du porc. Aussi, les réfugiés de Saint-Domingue ont amené un plat similaire fait
avec des gombos, le calalou. Heureusement pour nous, les Acadiens ont rencontré
les Africains et les Haïtiens en Louisiane. Avant que la réfrigération ne soit
la norme, le gombo aux fruits de mer, ou gombo de marécage comme on dit chez
nous, était plutôt rare, surtout loin des côtes. Le gombo de poule, cuisiné de
mille façons différentes, se trouve sur toutes les tables depuis avant la
Guerre des Confédérés.
Le gombo
joue un rôle central dans un des rites le plus emblématique dans l’Acadiana des
prairies, le courir de Mardi Gras. Selon le professeur Barry Jean Ancelet, il y
a plus d’une vingtaine de courses, chacune avec ses propres coutumes et
chansons. Elles ont néanmoins quelques éléments en communs : les coureurs
masqués, le capitaine non-masqué brandissant un fouet, de l’alcool et de la
musique bien sûr, mais surtout un but précis. Les Mardi Gras ont une mission presque
divine : collecter les ingrédients nécessaires pour le gombo communal.
Arrivant à la fin de l’hiver et avant la saison maigre du Carême, la cuisson du
gombo revête un symbolisme de solidarité et de survivance. De ce point de vue,
le gombo devient quasiment sacré, une idée renforcée par la présence de la
sainte trinité de piment doux, oignons et céleri.
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