mardi 16 avril 2013

On croquait les dernières bouchées de soleil

Tout le monde s'habille en noir
Pour porter je ne sais quel deuil
Peut-être celui du soleil
Qui s’attarde à se ressusciter
On les dit rudes et désagréables
Les New-yorkais
Je les trouve comme tout le monde
Plutôt aimables dignes d’amour
J’ai failli arrêter cette jeune femme
Pour la remercier d'avoir mis
Ce manteau rouge
Dans cette volée de corbeaux
Il est vrai qu'ils ne te regardent
Pas dans les yeux mais
Ils reconnaissent ta présence
De façon aveugle
Ils savent quand tu t'approches
De leur zone d'occupation
Et ils savent que tu sais qu’ils savent
Ils sont tous branchés sur leur iPhone
Les fils blancs s'infiltrent dans leurs oreilles
Comme les antennes d'un insecte parasite
Deux vieux hommes
Pas besoin d'un col blanc
Pour voir qu'ils étaient autrefois prêtres
Partagent une communion de scone et d’espresso
S’il n'y a pas 156 Starbucks sur Manhattan
Il n'y a pas un seul et c’est dans celui-ci que
Julie Choufleur sirote son caffè latte
En lisant le NYTimes et un roman
Traduit de l'espagnol sud-américain
Sa main frôle sa bouche pour essuyer
Des miettes imaginaires de son jambon-beurre
La légère pression accentue
Le cramoisie de ses lèvres
Assortis à ses ongles vernis
Sauf les pouces qui tirent sur le pourpre
Jusqu’à la dernière bouchée
Jamais jambon-beurre n'a connu
Une aussi belle mort
Les gens se poussent pour laisser passer
Le vieux monsieur ratatiné
Dans son fauteuil roulant automatique
on déplace les chaises et les tables
on écarte la mer noire
entre moi et Julie Choufleur
Le ticket de caisse sur ma table dit
$5.06 pour un cappuccino et un croissant
Il faut pas se foutre du tiers monde
Comme m'a dit une fois mon ami Dany
Julie Choufleur se lève et s'en va
Elle laisse son sac à main dans le Starbucks #83
Le barista le garde
Car il sait que Julie Choufleur
Comme le printemps

Reviendra

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