Il
est né quelque part dans les années 1770, peut-être quelque part en France,
peut-être à Saint-Domingue, peut-être ailleurs. Il est mort en 1823 ou en 1827
ou peut-être en 1857, en Honduras, au Mexique ou Dieu sait où. Il aurait grandi
dans la Baie Baratarie; il aurait passé sa jeunesse sur les bateaux de son
père. Ses grands-parents auraient fui l’Espagne parce qu’ils étaient juifs. Au
fait jusqu’en 1804, on sait peu de choses sur le flibustier le plus célèbre,
Jean Lafitte, quand on le retrouve sur son bateau, La sœur chérie, avec lequel il importe illégalement des esclaves en
Louisiane du tout nouveau pays d’Haïti. Lui et son demi-frère Pierre
s’installent à Baratarie, dans un endroit qu’on appelle le Temple, où ils commandent
des milliers d’hommes et établissent un empire bâti sur la contrebande, la
piraterie et la traite des Noirs. Grandissant à quelques encablures de là, j’ai
toujours entendu parlé des trésors enfouis en bas d’un arbre, protégés par le
fantôme d’un pirate sacrifié. Lafitte relève autant de la légende que de l’histoire,
sinon plus.
Jean Lafitte |
Il
est surtout connu pour le coup de main décisif que lui et ses hommes ont porté
à Andrew Jackson lors de la Bataille de la Nouvelle-Orléans à la fin de la
Guerre de 1812, malgré le fait que seulement quelques semaines avant, les
considérant comme des bandits sans foi ni loi, les commodores américains
Patterson et Ross les avaient attaqués, saisissant leur butin. Pour le
remercier une fois que la victoire garantissant la préservation de
l’indépendance américaine face à l’Angleterre était acquise, Jackson a demandé
un pardon pour Lafitte et ses hommes, ce que le Président Madison a donné. Ensuite,
il quitte la Louisiane pour toujours et en 1816 s’installe dans une autre colonie
de flibustiers plus à l’ouest sur la côte, devenue aujourd’hui Galveston. Deux
ans plus tard, un ouragan décime la côte et Lafitte la quitte peu de temps
après. Ensuite, on perd sa trace et il disparaît dans la légende. Certains
racontent qu’il est en Angleterre dans les années 1840 où il aurait rencontré
deux jeunes Allemands nommés Marx et Engels. Ces derniers lui auraient parlé de
leurs théories sur le capitalisme et la classe ouvrière. Intéressé par ces
idées, Lafitte les aurait subventionnés pendant qu’ils travaillaient sur Le Manifeste communiste. Jolie histoire,
mais on ne sait pas comment l’homme qui a sauvé la jeune république américaine
a fini ses jours.
Friedrich Engels et Karl Marx |
Tant
qu’il est vrai qu’on a plus à craindre de nos jours des pirates qui voguent sur
Internet plutôt que sur le Golfe du Mexique, on n’est pas complètement
débarrassé de ces loups de mer. Si on est un peu nostalgique de cette idée
romantique qu’on se fait de Jean Lafitte et ses émules, on peut toujours aller
au Festival louisianais des Pirates au Lac Charles au mois de mai. On y verra
« Jean Lafitte et ses boucaniers » tenter de capturer la ville, au
grand plaisir des spectateurs et des charités que ce festival soutient.