lundi 1 avril 2019

Cœur de pirate / Jean Lafitte : l’homme, le mythe, la légende. Publié dans Acadiana Profile avril-mai 2019




Il est né quelque part dans les années 1770, peut-être quelque part en France, peut-être à Saint-Domingue, peut-être ailleurs. Il est mort en 1823 ou en 1827 ou peut-être en 1857, en Honduras, au Mexique ou Dieu sait où. Il aurait grandi dans la Baie Baratarie; il aurait passé sa jeunesse sur les bateaux de son père. Ses grands-parents auraient fui l’Espagne parce qu’ils étaient juifs. Au fait jusqu’en 1804, on sait peu de choses sur le flibustier le plus célèbre, Jean Lafitte, quand on le retrouve sur son bateau, La sœur chérie, avec lequel il importe illégalement des esclaves en Louisiane du tout nouveau pays d’Haïti. Lui et son demi-frère Pierre s’installent à Baratarie, dans un endroit qu’on appelle le Temple, où ils commandent des milliers d’hommes et établissent un empire bâti sur la contrebande, la piraterie et la traite des Noirs. Grandissant à quelques encablures de là, j’ai toujours entendu parlé des trésors enfouis en bas d’un arbre, protégés par le fantôme d’un pirate sacrifié. Lafitte relève autant de la légende que de l’histoire, sinon plus.
Jean Lafitte


Il est surtout connu pour le coup de main décisif que lui et ses hommes ont porté à Andrew Jackson lors de la Bataille de la Nouvelle-Orléans à la fin de la Guerre de 1812, malgré le fait que seulement quelques semaines avant, les considérant comme des bandits sans foi ni loi, les commodores américains Patterson et Ross les avaient attaqués, saisissant leur butin. Pour le remercier une fois que la victoire garantissant la préservation de l’indépendance américaine face à l’Angleterre était acquise, Jackson a demandé un pardon pour Lafitte et ses hommes, ce que le Président Madison a donné. Ensuite, il quitte la Louisiane pour toujours et en 1816 s’installe dans une autre colonie de flibustiers plus à l’ouest sur la côte, devenue aujourd’hui Galveston. Deux ans plus tard, un ouragan décime la côte et Lafitte la quitte peu de temps après. Ensuite, on perd sa trace et il disparaît dans la légende. Certains racontent qu’il est en Angleterre dans les années 1840 où il aurait rencontré deux jeunes Allemands nommés Marx et Engels. Ces derniers lui auraient parlé de leurs théories sur le capitalisme et la classe ouvrière. Intéressé par ces idées, Lafitte les aurait subventionnés pendant qu’ils travaillaient sur Le Manifeste communiste. Jolie histoire, mais on ne sait pas comment l’homme qui a sauvé la jeune république américaine a fini ses jours.
Friedrich Engels et Karl Marx


Tant qu’il est vrai qu’on a plus à craindre de nos jours des pirates qui voguent sur Internet plutôt que sur le Golfe du Mexique, on n’est pas complètement débarrassé de ces loups de mer. Si on est un peu nostalgique de cette idée romantique qu’on se fait de Jean Lafitte et ses émules, on peut toujours aller au Festival louisianais des Pirates au Lac Charles au mois de mai. On y verra « Jean Lafitte et ses boucaniers » tenter de capturer la ville, au grand plaisir des spectateurs et des charités que ce festival soutient.