vendredi 1 décembre 2023

Congrès Mondial Acadien 2024 : Retour en Acadie, encore une fois. Dans Acadiana Profile déc. 2023-jan.2024

Les Acadiens du monde entier, leurs descendants et leurs amis sont conviés à se rassembler l’été prochain pour le 7e Congrès mondial acadien. Cette grande célébration tourne autour du 15 août, la Fête nationale de l’Acadie, date choisie en 1881 pour coïncider avec la fête de Notre Dame de l’Assomption, sainte patronne de l’Acadie. En 1994, pendant le premier CMA dans le sud-est du Nouveau-Brunswick, plusieurs Louisianais qui y participaient ont vécu le voyage comme un pèlerinage quasi-religieux vers leurs racines acadiennes. Tous les cinq ans depuis, le CMA renforce la fierté d’être Acadien-ne.

Ce n’était pas toujours le plan de se rassembler régulièrement. Selon la légende, dans la liesse du premier congrès, quelqu’un de la délégation louisianaise aurait suggéré de continuer la fête en Louisiane dans cinq ans. Comme par hasard, cela correspondait aux 300 ans de la fondation de la colonie française de la Louisiane. Lancée presque comme une boutade, cette invitation était néanmoins prise au sérieux. En 1999, en plein mois d’août, les Acadiens du nord et d’ailleurs ont débarqué dans la chaleur moite de l’Acadiana. Selon l’avis général, c’était un succès, mais les participants n’étaient pas prêts à revenir dans la canicule estivale. Je ne les blâme pas. Dorénavant, c’est le retour dans les terres ancestrales de l’ancienne Acadie pour le CMA.

En août 2024, il se trouvera dans la région sud-ouest de la Nouvelle-Écosse autour de trois régions principales : Clare, Yarmouth et Wedgeport. La programmation prévue jusqu’asteur promet d’être extraordinaire. Le Festival de la journée d’ouverture auront lieu le 10 août dans la région de Clare à la Pointe-de-l’Église. C’est aussi là où se trouve le campus de l’Université Sainte-Anne, célèbre pour ses cours d’immersion française auxquels des centaines de Louisianais ont appris le français. « Le Congrès mondial acadien est une occasion unique de célébrer et souligner la culture acadienne dans toutes ses diverses multitudes, » dit Allister Surette, Président du Comité organisateur. « En rassemblant la diaspora acadienne des quatre coins du monde, y compris la Louisiane, l’événement offre une opportunité sans pareil pour des célébrations, découvertes et retrouvailles. »

La grande journée, le 15 août évidemment, sera à l’Aéroport de Yarmouth et le spectacle de clôture aura lieu au musée du Thon de Wedgeport le 18. La grande nouveauté de cette année, c’est le Party du samedi soir au Mariners Centre de Yarmouth le 17. Entre ces événements phares auront lieu les réunions de famille. La plupart des familles déjà confirmées sont courantes en Louisiane : Babineau, Boudreau, Broussard, Comeau, Daigle, Dugas, Martin, Richard, Robichaud et Thibodeau pour ne nommer qu’eux. Ne soyez pas trompés par les différentes orthographes. Il s’agit bien d’une seule famille séparée par les distances mais unie par l’histoire. Parentés par le sang, par le mariage ou par la porte d’en arrière, tout le monde est la bienvenue. Comme la célèbre charrette de Pélagie qui ramenait les Acadiens déportés au berceau, remontez le continent vers le nord cet été pour voir la parenté et les amis acadiens en Nouvelle-Écosse. 

mardi 3 octobre 2023

La cuisine française en Acadiana : Un petit coin de la France en Louisiane française. Publié en Acadiana Profile oct-nov 2023

La cuisine française de renommée mondiale est presque entièrement le produit d’un homme, Auguste Escoffier, qui, au XIXe siècle, a inventé plusieurs des plats qu’on associe avec ce qu’on appelle la haute cuisine, le système de brigade qui divise les tâches dans la cuisine et, avec César Ritz, le concept d’hôtellerie de luxe. Vous aimez la pêche Melba, la poire belle Hélène ou la crêpe Suzette? Ce sont tous des desserts inventés par Escoffier en honneur des célébrités de l’époque. Vous avez déjà travaillé en tant que chef, sous-chef ou même plongeur dans un restaurant? Merci, M. Escoffier. Et encore aujourd’hui, le mot Ritz est synonyme de la plus haute qualité possible. Ce n’est pas un hasard qu’on dit « ritzy » en anglais pour « faraud ».  

De notre côté de l’océan, des influences qui ont contribué à la riche tradition culinaire en Acadiana, celle de la France n’est pas, contrairement à ce qu’on peut croire, la plus importante. Certes, le roux qui est littéralement à la base de beaucoup de nos plats est d’origine française. Paradoxalement, c’est Escoffier qui a éliminé la farine de ses recettes en faveur des bouillons et des réductions de viande. Mais pour le reste, les saveurs venues de l’Afrique et des Caraïbes ont largement contribué aux cuisines cadienne et créole. Même le célèbre mirepoix français composé d’oignon, de céleri et de carotte se trouve transformer en Sainte-Trinité louisianaise avec le remplacement de cette dernière par le poivron, ou le piment doux, originaire des Amériques. Heureusement d’ailleurs car j’aurais du mal à digérer un gombo avec des carottes flottant dedans.

Tandis qu’on peut trouver à la Nouvelle-Orléans plusieurs restaurants qui perpétuent la vieille tradition de la cuisine française, en Acadiana, le cœur de la Louisiane francophone et francophile, les restaurants authentiquement français sont rares. Jane’s French Cuisine, comme le nom l’indique, à Lafayette et la Truffe Sauvage, en français dans le texte, au Lac Charles offrent des mets français dans un cadre qui n’est pas trop loin de ce qu’on trouverait dans un restaurant de qualité en France.

Dans un petit coin caché parmi des bureaux et des terrains de tennis, la Truffe Sauvage offre une expérience authentique. Chef Mohamed Chettouh a travaillé au Ritz-Carleton à Houston. D’origine algérienne, il a commencé sa carrière à Oran où il est monté les échelons de la brigade. Comme la Louisiane, ancienne colonie française, l’Algérie connaît une forte influence française aussi. Avec son partenaire Arthur Durham, ils ont ouvert la Truffe Sauvage en octobre 1998. Consommé de bœuf, soupe à l’oignon, du veau avec du riz au safran, un vivaneau avec de la viande de crabe et un soufflé de Grand Marnier sont parmi des plats offerts. Jane’s French Cuisine, installé depuis 2019 dans l’ancien magasin de meubles français tenu par la grand-mère du chef cuisinier William Baxter, propose des classiques comme le lapin à la moutarde, la bouillabaisse et le foie gras. Diplômé de l’Institut culinaire français de New York, Baxter est, avec Chettouh, un des héritiers d’Escoffier.

mardi 1 août 2023

La Butte des chiens: Le zarico et les chevaux dans un voisinage créole, publié dans Acadiana Profile août-septembre 2023

Dans le sud du Lac Charles, sur la rue Common, il existait un voisinage comme on ne reverra peut-être plus jamais. Une exception maintenant, les communautés soudées, par nécessité et par choix, était plutôt la norme à l’époque. Parfois liés par la parenté, souvent par le besoin de partager le travail et les célébrations de la vie, les habitants de la Butte des chiens ont formé un de ces groupes uniques. Elle a produit un homme qui s’est distingué dans deux domaines souvent associés chez les Créoles : le zarico et les chevaux. Les randonnées à cheval en témoignent du lien intime. Wilson Chavis, Sr., dit Boozoo, était non seulement un des grands de la musique zarico avec une carrière en deux volets, mais aussi un entraineur de chevaux de course hautement recherché. « Mo gain papier dans mon soulier », raconte l’histoire d’un jeune homme pauvre qui, faute de pouvoir s’acheter de nouvelles chaussures, mettait du papier dans ses souliers troués. Sortie en 1954, avec plus 100,000 exemplaires vendus, la chanson était un énorme succès. Malgré sa popularité, méfiance du côté parfois malhonnête de l’industrie musicale l’a décidé de quitter la scène et de se consacrer aux chevaux de course pendant une vingtaine d’année.

Dessin de Sara Willia
Il continuait néanmoins à jouer pour son plaisir jusqu’au jour où il a remarqué que le zarico passait de plus en plus à la radio. Selon ses propres dires, cette musique n’était pas aussi bonne que la sienne. Après un long hiatus, qu’il a repris l’accordéon avec la même ferveur que pour les chevaux. Habillé de son chapeau de cowboy et de son tablier imperméable pour protéger son instrument de la sueur, Boozoo était de retour sur scène. Son voisinage a été immortalisé dans une autre de ses chansons les plus connues, « La Butte des chiens ». Sortie en 1990, elle a aidé à relancer sa carrière vers le haut pour atteindre une popularité qu’il n’avait pas connue auparavant. C’est au sommet que cette carrière a malheureusement pris fin. En 2001, il a succombé à une crise cardiaque qu’il a subi sur scène. Comme un vrai cowboy, il est décédé dans ses bottes.

 

Le musicien zarico Sean Ardoin se rappelle avec nostalgie les concerts que Boozoo et sa famille donnaient à la Butte des chiens. « Il n’y avait jamais de problème. Tout le monde se respectait. Le respect, ça manque aujourd’hui. » Cette célébration était toujours le jour de la fête du Travail.  Le fils de Boozoo, Wilson Jr., dit Pancho, raconte, « le monde venait de partout. C’était devenu tellement grand qu’on a dû
trouver un endroit plus grand. » En 2019, le 35e et dernier festival a eu lieu, victime comme tant d’autres, du COVID. Pour l’instant, il n’y a pas de plans de recommencer mais, comme dit Pancho, « ce n’est pas hors de question. »  En attendant son retour, on peut encore danser le zarico à « La Butte des chiens, ayoù y a toutes les jolies femmes. » 

jeudi 8 juin 2023

Promenons-nous dans le bois : Se balader en plein air fait du bien. Publié en Acadiana Profile juin-juillet 2023

 Promenons-nous dans le bois : Se balader en plein air fait du bien

Il était une fois, il existait un pays magique et mythique où se passaient de grandes aventures. À la différence d’autres lieux légendaires, on n’avait pas besoin d’un mot de passe secret, d’une incantation dans une langue occulte ou même de passer par une garde-robe ou un portail inter-dimensionnel. Croyez-le ou pas, pour y accéder, il suffisait d’ouvrir la porte de sa maison et de sortir. Cette contrée de merveilles s’appelait tout simplement le plein air. D’autres peuples y donnaient d’autres noms comme l’extérieur, le dehors, la campagne, les bois ou même le grand air. À vrai dire, cet endroit existe encore, mais un tour de magie maléfique l’a obscurci de nos yeux. La fée technologie a placé un écran ensorcelé devant nos yeux qui éclipse de vue la vraie réalité. Les anciens parmi nous se rappellent cette terre pleine de danger et d’amusement qu’on fréquentait jusqu’au coucher de soleil. Avec les exhortations des parents, dès le petit-déjeuner avalé, on quittait la maison à pied ou à vélo pendant les journées interminables d’été. On découvrait des nouvelles espèces d’insecte ou de serpent; on fréquentait les cabanes qu’on construisait nous-mêmes avec des planches abandonnées et meublées avec des sièges qu’on retirait des casses auto. On restait là jusqu’à l’apparition du signe universel qu’il fallait se précipiter à la maison sous menace de punition : l’allumage des lampadaires de rue. À ce moment, on rentrait vite car tout le monde savait que dès la tombée de nuit, le Rougarou sortait.

 

Dessin de Sara Willia
Le rapport entre le nombre d’heures passés devant son écran et les effets néfastes sur son état mental ne reste plus à prouver. Il y a, néanmoins, un remède avéré contre ­­­les blues et ça s’appelle la randonnée, la promenade dans le bois ou respirer le bon air à plein poumons. Aller dehors, quoi. « Il existe de plus en plus de preuves, provenant de dizaines et de dizaines de chercheurs, que la nature a des avantages pour le bien-être humain physique et psychologique », déclare Lisa Nisbet, PhD dans une publication de l’Association américaine de psychologie. On est particulièrement chanceux en Louisiane, étant entouré d’espaces verts accessibles par des pistes comme celles le long des levées du Mississippi et de l’Atchafalaya, au Parc Chicot et même au nord de l’état entre Jamestown and Winnfield. Certaines suivent les anciens sillages des chemins de fer. La bonne nouvelle, c’est que depuis quelques années, un effort sérieux se monte pour la création de la Piste de l’État des bayous qui va relier ces voies de la Nouvelle-Orléans jusqu’à Shreveport et au-delà. Ce n’est pas pour demain, mais une fois réalisé, on aura une très longue piste pour rafraîchir son âme et renouveler la joie de se retrouver dans la nature.

 

En attendant, fermez le téléphone et ouvrez la porte pour retrouver ce pays presque perdu. Mais ne rentrez pas trop tard, comme dit la comptine française, « Promenons-nous dans le bois, tant que le loup n’y est pas/Si le loup y était, il nous mangerait ». 

mardi 28 mars 2023

De la Table de cuisine à la table française : Les rendez-vous du français. Publié dans Acadiana Profile, avril-mai 2023.

 De la Table de cuisine à la table française : Les rendez-vous du français

Cinquante ans passés, le recensement américain nous disait que le nombre de Francophones en Louisiane s’élevait à plus d’un million. De nos jours, c’est probablement autour de 200 000, plus ou moins, mais personne ne peut le dire avec certitude. Cette diminution est attribuable en grande partie, comme on le sait, à l’interdiction du français à l’école. La difficulté pour compter celles et ceux qui ont pu, malgré tout, continuer à le pratiquer peut s’expliquer par le fait que des gens qui parlent bien le français ou le créole louisianais sont toujours sous la fausse impression qu’ils ne parlent pas le « bon » français et disent « non » quand on leur pose la question. Il n’empêche que trois générations plus tard, malgré les efforts du CODOFIL et des individus militants, engagés et même enragés des fois, la langue française en Louisiane n’est plus aussi robuste en termes de chiffres absolus. Soit. Le changement radical qu’on a vu depuis ce temps est plutôt celui de l’attitude envers l’expression publique du français. Avant, le français se pratiquer chez soi autour de la table de cuisine pour ainsi dire. Les histoires de Cadiens qui recevaient fréquemment des remontrances, de la part d’autres Francophones louisianais, pour avoir commis le péché mortel de parler français en public, sont nombreuses. Paradoxalement, pendant cette période de déclin, au fur et à mesure que le nombre de Francophones diminuait, le français était de plus en plus acceptable sur la place publique. De nos jours, le français a droit de cité en Louisiane. Si on sait où tendre l’oreille, on entendra charrer le français un peu partout.

 

Le lieu public le plus sûr où vous pouvez aller est à une des nombreuses tables françaises qui pullulent en Acadiana. Selon le site web du CODOFIL qui les a répertoriées, on peut en trouver une quelque part pratiquement tous les jours. De Basile à Raceland, de Marksville à Kaplan et de Eunice à Scott, en passant par Welsh, Thibodaux et Arnaudville, on peut rencontrer des Francophones de tous les niveaux, du débutant qui ne sait dire que « bonjour » jusqu’au monde qui peut lire et écrire en français aussi, tous devant une bonne tasse de café comme il se doit bien sûr. Pour les amateurs de boissons plus fortes, les rencontres peuvent se faire en soirée autour d’une bière fraîche. De Dwyer’s Café de Lafayette toutes les semaines à la Table française de la Maison Valsin Broussard une fois par mois, les occasions de se faire des amis en français ne manquent pas.

 

Dessin de Sara Willia
Au lieu de me faire insulter quand je parle en public, les gens m’expriment leur désappointement de ne pas pouvoir parler en français. Ils formulent des remarques en anglais plutôt du genre « Que tu es chanceux de parler français », « J’aurais tant voulu que mes grands-parents me montrent le français » ou d’une façon qui en dit long, « J’aurais dû écouter mes grands-parents plus ». Alors, venez à table et causez avec nous. 

mercredi 1 février 2023

Lafayette, nous voilà : Le bicentenaire de la paroisse de Lafayette, publié en Acadiana Profile fév/mars 2023

Le 17 janvier 1823, en la séparant de la paroisse de Saint-Martin, la législature louisianaise a créé la paroisse de Lafayette. Nommée en honneur de Gilbert du Motier, Marquis de La Fayette, « le héros des deux mondes », la paroisse célèbrera toute l’année 2023 son bicentenaire avec une série d’événements qui mettra en lumière son histoire à travers les ans et élucidera les contributions du Français que George Washington regardait comme un fils. Âgé de seulement 19 ans au début de la Guerre d’indépendance américaine, pendant laquelle le futur premier président l’avait nommé général, Lafayette était l’héritier d’une des plus grandes fortunes de France. Il aurait pu choisir de passer ses jours tranquillement, mais il ne pouvait ignorer les cris de liberté émanant de l’autre bord de l’Atlantique, allant jusqu’à passer l’hiver glacial à Valley Forge avec ses soldats. Ses contributions étaient cruciales, surtout à la Bataille de Yorktown, considérée comme le moment où la guerre a tourné en faveur des Américains. Poussé par ce nouveau vent, Lafayette est de retour en France où il envisage d’appliquer ces nouvelles idées d’indépendance.

Dessin de Sara Willia

Un des premiers contributeurs à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen en 1789, malgré son titre de noblesse, Lafayette, inspiré par la lutte victorieuse des Américains face à la monarchie anglaise, œuvre pour une réforme du pouvoir politique centralisé autour du roi de France. Au moment de la Prise de la Bastille qui déclenchait la Révolution française le 14 juillet, Lafayette est commandant de la Garde nationale. Deux jours après, son premier acte officiel est d’ordonner la destruction de cette prison, symbole du despotisme. Le lendemain, il remet lui-même le nouveau symbole de la France, la cocarde tricolore bleu, blanc, rouge au roi Louis XVI, un des symboles officiels de la République encore aujourd’hui.

 

Alors même que les vicissitudes de la Révolution française ne lui ont pas toujours été favorables, on ne peut pas exagérer la popularité de Lafayette en Amérique. L’année suivant la création de la paroisse qui porte son nom, le Président Monroe l’a officiellement invité en tant que dernier général vivant de l’Armée continentale, alors âgé de 67 ans. Dire que son retour fut triomphant n’est guère une exagération. Quand il a débarqué à New York, 80 000 habitants l’attendaient au quai, soit 65% de la population. Pendant un peu plus d’un an, il a fait un grand tour du pays qu’il a largement contribué à fonder. Il a séjourné plusieurs jours à la Nouvelle-Orléans en avril 1825, mais il n’est malheureusement jamais venu dans la paroisse qui porte son nom illustre.

Tombe de Lafayette à Picpus




La fameuse phrase, « Lafayette, nous voilà », prononcée par le Colonel Charles E. Stanton le 4 juillet 1917 devant sa tombe au cimetière Picpus, signalant l’arrivée de l’armée américaine pour aider les forces françaises dans Première guerre mondiale, rendait hommage à la participation du Marquis à la Révolution américaine. Évoquer sa mémoire fait aussi honneur à notre dévouement à l'indépendance et à notre héritage à la fois américain et français.

mardi 29 novembre 2022

La Grègue est chaude : le café est servi en Acadiana. Publié dans Acadiana Profile Dec 22 - Jan 23

 La Grègue est chaude : le café est servi en Acadiana.

Avec la prolifération de cafés sur chaque coin de rue, les jeunes auraient du mal à croire qu’à une époque le café aux États-Unis avait une très mauvaise réputation. Il était pratiquement imbuvable. N’importe où on commandait une tasse de café, on se retrouvait en général devant une tasse contentait un liquide brunâtre qui laissait voir le fond. Si on voulait un café et on n’était pas chez soi, il fallait tenter ses chances dans un restaurant, un bar ou peut-être une station-service. Les amateurs d’un bon café, touristes venant de l’Europe ou de l’Amérique latine par exemple, avaient même un nom pour cette faible décoction qu’ils prononçaient avec dédain, « le café américain ». Les Français, avec leur franc-parler habituel, l’appelait du « jus de chaussettes ». C’était le cas partout dans le pays; partout sauf dans le sud de la Louisiane où la longue tradition d’un bon café révèle nos origines française et latine.

 

Quand une chaîne de café avec une sirène comme mascotte a lancé un café robuste sur le marché national, propulsant la construction de cafés en quantité industrielle, une blague circulait en Acadiana. C’est l’histoire de Boudreaux qui a essayé ce café de l’état de Washington pour la première fois. Il a avalé une gorgée et s’est demandé pourquoi le monde faisait tout ce potin. Même si c’était bien meilleur de ce qu’on trouvait ailleurs, ce n’était en rien comparable au café qu’on faisait dans l’objet indispensable dans une cuisine cadienne ou créole : la grègue. Largement un objet de collection nostalgique aujourd’hui, remplacée en grande partie par Mr. Coffee ou Keurig, la grègue était au centre de la vie familiale. On dit que le nom « grègue » vient de la forme qui rappelle les robes style empire, inspirées par le néo-classicisme grecque, avec la taille haute et serrée affectionnée notamment par Joséphine de Beauharnais. La grègue tient sa place d’honneur dans la panoplie culinaire louisianaise au même titre que la chaudière noire ou la cuillère en bois. Bien avant les cafés modernes, les Louisianais se rassemblaient autour de la table de cuisine ou sur la galerie avec une bonne tasse de café noir et fort pour faire « la veillée ».

 

Que ce soient des chaînes nationales ou des torréfacteurs locaux, il est aisé de trouver du café préparé à son goût. Selon l’écrivain Michael Pollen, le café était responsable pour la plupart des progrès scientifiques et sociaux pendant le Siècle des Lumières. La caféine a stimulé les neurones des penseurs comme Voltaire et Diderot qui se réunissaient au Café Procope pour discuter les idées qui allaient changer le monde. Quand je suis en train de travailler dans mon café préféré et, comme la plupart des autres clients, je me trouve derrière l’écran de mon ordi avec mes écouteurs enfoncés dans mes oreilles, je me demande souvent ce qu’ils auraient pensé des gens qui ne se parlaient pas en lieu public. Peut-être qu’ils auraient pensé qu’au moins, le café est toujours aussi bon.