Vive
le Québec! Vive le Québec libre!
Les
influences ayant formé l’Acadiana sont multiples. L’arrivée et l’établissement
des Français, des Créoles, des Acadiens et des peuples non-francophones, tels les
Africains, les Allemands, les Italiens, les Irlandais, les Anglo-américains,
ainsi que de nombreuses tribus amérindiennes déjà sur place, sont souvent
évoqués. Un ami québécois m’a récemment fait remarquer que parmi tous ces liens,
on a tendance à oublier ceux avec la Belle Province. J’ai dû admettre que
malgré le soutien crucial que le Québec nous a apporté au début du mouvement
pour la renaissance du français en Louisiane, on n’évoque qu’à peine leurs
contributions. Il faut rectifier cette omission.
Lorsque
la Louisiane a été fondée en tant que colonie en 1699, c’était sous l’égide
d’Iberville, né à Ville-Marie en Nouvelle-France, aujourd’hui Montréal au
Québec. La Nouvelle-France a existé depuis l’arrivée de Jacques Cartier en 1534
jusqu’à la fin de la Guerre de Sept Ans et le traité de Paris en 1763. Elle
consistait du Canada, de l’Acadie et de la Louisiane. Il faut reconnaître que
le vaste territoire de la Louisiane d’autrefois faisait partie de cette même zone,
de ce grand rêve américain à la française, la Nouvelle-France.
Comme
on était lié par la Mississipi, plusieurs de ces Canadiens-français ont suivi
son cours jusqu’à chez nous. Les Ménard et les Larivière parmi d’autres sont
arrivés en Louisiane par cette voie. Parmi eux étaient des coureurs des bois,
célèbres pour leur traite de fourrure avec les Indiens. La différence entre eux
et les Voyageurs, aussi connus comme fournisseurs de peau de bête assouvissant
le grand appétit de la mode de l’époque, c’est que les coureurs des bois ne
possédaient pas de permis de chasse de la part du Roi de France. Notre habitude
de faire la chasse hors saison et sans permission ne date pas d’hier.
En
sautant dans le temps, nous arrivons dans les années soixante. Côté Québec, comme
ailleurs, ce sont des années charnières. La Révolution tranquille est une période
dans l’histoire du Québec marquée par des changements sociaux et politiques
rapides. L’élection de Jean Lesage comme premier ministre en juillet 1960,
suivi par la création de l’Office de la langue française l’année suivante et
celle du Ministre de l’éducation en 1964 sont considérées comme des étapes
décisives. Presque du jour au lendemain, une nouvelle identité s’est forgée,
nourrissant un mouvement séparatiste. L’Exposition universelle de 1967 met
Montréal et tout le Québec sur la scène internationale. Mais l’événement cette année
qui allait faire briller un feu de projecteur sur le Québec a eu lieu le 24
juillet. Le Général De Gaulle, alors président de la République française,
s’est présenté sur un balcon à Montréal lors d’une visite officielle et en
prononçant ces mots, a envoyé une onde de choc : « Vive le Québec!
Vive le Québec libre! ». La phrase a instantanément fait le tour du monde
et a mis le nom du Québec sur toutes les lèvres, à tel point que même les
Chinois, selon le documentaire qui relate cette visite Le Chemin du Roy, ont dû inventer un nouvel idéogramme.
Il
y a probablement un lien solide avec cette déclaration et les débuts du CODOFIL.
Plusieurs témoins de l’époque m’ont raconté l’histoire d’un Français un peu
mystérieux qui était aux côtés du Général à Montréal ce jour-là et qui, peu de
temps après, aurait conseillé M. Domengeaux. J’ai entendu plusieurs versions
différentes. On m’a même affirmé que c’était qui aurait soufflé à De Gaulle ses
paroles légendaires. Il est certain que les activistes louisianais ont entendu
ce cri de cœur et, sans vouloir former un gouvernement séparé comme dans le cas
du Québec, ont été encouragés à poursuivre la lutte pour la survie de la langue
française en Louisiane. Le Québec, représenté par Léo Leblanc, était un des
premiers partenaires, avec la France, à nous envoyer des enseignants dès 1972.
Une délégation québécoise, pas tout à fait un consulat à cause de son statut de
province canadienne mais presque, était présente à Lafayette jusqu’au début des
années quatre-vingt-dix. Depuis lors, on entretient des liens privilégiés avec
le Québec, même si on n’en parle pas autant que de ceux avec la France et
l’Acadie. Le Mississipi est un long fleuve pas toujours tranquille mais il nous
rappelle notre appartenance à cette grande famille nord-américaine francophone.
Philippe Rossillon, non?
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