En passant par l’aéroport international de la
Nouvelle-Orléans, nommé pour son résident le plus connu, Louis Armstrong, nos
visiteurs arrivant en Acadiana sont en droit d’être confus par son code AITA,
ces trois lettres qui désignent les aéroports, MSY en l’occurrence. Si les
amateurs de trivia louisianais savent que ces initiales représentent Moisant
Stock Yards, les parcs à bétails de Moisant, l’identité de ce monsieur reste
inconnue pour la plupart. On peut croire qu’il était le propriétaire d’un vaste
terrain servant autrefois à entreposer les vaches, mais John Moisant était au
fait un des pionniers de l’aviation. Au début du XXe siècle, il a popularisé la
montée des « barnstormers », ces acrobates aériens qui captivaient
l’imagination du public avec leurs exploits. Il était le premier aviateur à
survoler, avec un passager, une ville, Paris, et la Manche et ce en 1910, à
peine six ans après le vol des frères Wright. Un peu plus tard cette même
année, il s’est tué dans un accident d’avion dans un champ pas loin de l’actuel
aéroport qui honore sa mémoire sur les étiquettes de bagage. Il a mis la barre
haute pour ceux qui allaient le suivre dans la folle histoire de l’aviation
chez nous.
Si on veut approfondir ses connaissances du
développement de l’aviation en Acadiana, un arrêt à Patterson dans une bâtisse
au nom cocasse, le musée Wedell-Williams de l’aviation et des scieries de cipre,
est de rigueur. Il semblerait que la Louisiane ait le chic pour joindre deux
choses à première vue étrangères l’une à l’autre, mais ce mélange s’explique
facilement. Jimmy Wedell était un jeune homme pressé, amoureux de vitesse.
D’abord mécanicien automobile, il a vite appris à construire et à piloter ses
propres avions. Il a voulu être pilote pendant la Première Guerre Mondiale,
mais on l’a refusé à cause de la perte d’un œil dans un accident de moto.
Néanmoins, il a pu acquérir l’expérience nécessaire pour que l’Armée le prenne
comme instructeur. Le fait d’être borgne n’était pas une entrave à sa carrière.
En 1933, il détenait le record de vitesse en avion avec un vol à plus de 300
miles à l’heure. Il a attiré l’attention du millionnaire Harry P. Williams,
dont la famille avait fait fortune dans le pétrole, le sucre et, vous l’avez
peut-être deviné, la récolte de cipre. Avec l’expertise de Wedell et l’argent
de Williams, ils ont formé le Wedell-Williams Air Service qui connaissait un
grand succès. Malheureusement, la tragédie a encore frappé quand ils ont été
tués dans des accidents séparés, en 1934 et 1936, mettant fin à cette
entreprise.
Récemment les électeurs de Lafayette ont
approuvé une taxe temporaire pour financer la construction d’un nouveau terminal
à l’aéroport Lafayette Regional, confirmant l’importance ils accordent à
l’aviation. Avant la Deuxième Guerre Mondiale, son site actuel était un champ
ouvert qui permettait les décollages et atterrissages dans n’importe quelle
direction. Pendant la guerre, il servait à former les pilotes du Corps aérien
de l’Armée en utilisant des PT19 Fairchild. Un de ces jeunes formateurs était
un certain Roger Larrivée. Il n’était pas originaire d’Acadiana, mais il s’est
marié avec une Mouton après avoir vu sa photo dans la vitrine d’un studio de
photographie. Le couple a vécu un peu partout à cause de sa carrière de pilote.
Il a même été le pilote de deux présidents américains, Kennedy et Nixon, sur
Air Force One. Une fois la guerre terminée, l’aéroport est retourné à la vie
civile et sa transformation vers le présent a commencé.
Lorsqu’on parle de l’aviation à Lafayette, le
nom de Paul Fournet est inévitable. Comme Moisant, Wedell et Williams, il a eu un
accident d’avion, mais il l’y a survécu. Néanmoins, il n’a plus jamais marché.
Comme Wedell et son seul œil, cet obstacle ne l’a pas empêché de fonder sa
propre compagnie, dont le logo était un pilote assis dans un fauteuil roulant
ailé. Fournet Air Services assurait les opérations de l’aéroport desservant surtout
l’industrie pétrolière dans le golfe. À son apogée, il employait 132 personnes.
En 2014, une plaque était posée à l’entrée de l’aéroport, désignant l’endroit
« Aérodrome Paul-Fournet ». Comme les autres aviateurs qui l’ont
précédé, il a surmonté les épreuves pour aller plus haut et plus loin.
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