Il passe devant
Il passe devant des magasins qui
autrefois
Portaient d’autres noms
Vendaient d’autres marchandises
Qui ont connu des époques
Glorieuses et épiques
Prospères et héroïques
Il passe devant des terrains vagues
où autrefois
Se dressaient des maisons pleines
D’enfants et de rires
D’infidélité et de rédemption
Que le vent chuchote entre les
mottes
Il passe devant des cimetières qui à
présent
Abritent des pierres tombales
illisibles
Les noms effacés par la pluie et le
temps
Des gens qu’on oublie
Jusque dans leur peau
Jusque dans leurs os
Il passe devant les panneaux qui
autrefois
Promettaient monts et merveilles et
Qui manquent à présent des lettres
comme
On manque des dents
Les empêchant de mâcher leurs mots
Sur l’échappée infernale qui
corrompt tout
Je suis bien dans ta peau
Je suis bien dans ta peau
Me délestant de cette encombrante
distance
Qui nous sépare
Pour habiter un seul temps
Un seul espace
Je suis bien dans ta peau
Et toi dans la mienne
Unissant nos incomplétudes
Comblant nos failles
Se réjouissant de jouir
Je suis bien dans ta peau
Qui n’est plus la tienne
Ni la mienne
La
nôtre
Le temps perdu
Je ne sais pas pourquoi on ne passe
pas plus de temps ensemble
Je regrette le temps qu’on ne s’est
pas vu, touché, embrassé
Le temps ne dure pas assez
N’a pas assez de dureté
Trop de fluidité
Il s’en va s’engouffrer dans un trou
noir
Quelque part dans un coin peu
fréquenté dans l’univers
Personne n’ose s’aventurer dans
cette coulisse des pas perdus
Des secondes perdues
Des instants perdus
Le temps est comme les pièces de
monnaie
Qu’on trouve sous les coussins du
sofa
Le temps est comme les morceaux de
biscuits
Qu’on trouve sous le réfrigérateur
Le temps est comme les chaussettes
orphelines
Qu’on trouve derrière le séchoir
Ou je ne sais où les diablotins les
emportent
Le temps qu’on n’a pas passé
ensemble
Est perdu quelque part au fond de
l’univers
Où une autre espèce vivante
Sur une autre planète
Peut le trouver le temps d’un baiser
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