Dr
John Bertrand, l’homme qu’il fallait
Après
la mort de Jimmie Domengeaux en 1988, l’avenir du CODOFIL ne semblait pas assuré.
Son fondateur lui-même avait exprimé quelques doutes sur la survie de cette
organisation qu’il avait portée sur ses épaules depuis sa création en 1968.
L’élan initial s’était essoufflé, l’état sortait péniblement d’une récession économique
dévastatrice et l’éducation était en pleine évolution. Pour que cette agence
unique puisse se pérenniser et se forger une identité séparée de celle de son
fondateur, il fallait désigner un successeur capable de combiner l’expertise
d’un éducateur chevronné, le savoir-faire d’un administrateur respecté et la
vision d’un homme d’état. S’il avait fallu construire ce remplaçant hypothétique
à partir de ces éléments, on aurait quand même fini par trouver le Dr John
Avery Bertrand.
Né
au Texas, sa mère repart bientôt vivre en Louisiane où la jeune veuve inculque
à sa famille le sens du travail. Bertrand s’est vite distingué sur le plan
scolaire, finissant son diplôme de l’école secondaire avec honneurs à l’âge de
seize ans. Quelques temps après, il s’est enrôlé dans la Garde côtière pendant
la Deuxième guerre mondiale. En 1946, retrouvant la vie civile, il s’est marié
avec sa bien-aimée, Ella Mae Simar. Profitant de la législation sur les anciens
combattants, il s’est inscrit à l’Institut du sud-ouest de Louisiane
(aujourd’hui UL-Lafayette) d’où il a encore gradué avec honneurs. Ensuite, il a
reçu une maîtrise de LSU et enfin un doctorat de l’Université du Texas à Austin
en 1966. Tout en poursuivant ces diplômes, il se faisait la réputation d’un
enseignant juste et innovateur, contribuant à sa montée dans le monde de
l’éducation.
Après
vingt ans de carrière, il s’est fait nommer Surintendant de la paroisse
d’Acadie. Pendant son mandat de dix-neuf ans, il a fait construire de nouvelles
écoles, a rénové les autres et a adopté les approches éducatives les plus
progressistes. Il a même réalisé un exploit inouï pour l’époque : sous sa
tutelle, la paroisse d’Acadie a réussi l’intégration raciale sans incident. Il
a même inscrit sa propre fille dans une école intégrée, faisant preuve de son
engagement. À sa retraite en 1984, son impact était immense et se fait sentir
encore aujourd’hui.
L’année
précédente, il avait été élu au conseil d’éducation pour la Louisiane, le BESE,
où il a servi pendant seize ans. Il a réformé les qualifications des
enseignants et les exigences de graduation des élèves, parmi beaucoup d’autres
améliorations. De cette position, il a pu mener une politique en faveur du
français qui a grandement contribué à son expansion dans les écoles, notamment
la création des programmes d’immersion dont le plus vieux à Prien Lake
Elementary existe encore. Son mandat de président du CODOFIL, qui a duré
jusqu’en décembre 1993, était l’extension naturelle d’une vie dédiée au respect
et au progrès de l’autrui. Il a fallu un homme de la trempe du Dr Bertrand,
décédé en 2013, pour mener le bateau du CODOFIL dans les eaux incertaines de
l’après-Domengeaux, un homme qui savait manœuvrer entre les mondes de
l’éducation et de la politique.
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