mardi 1 octobre 2019

Les musiciennes sur scène. Publié dans Acadiana Profile, Oct/Nov 2019


Les musiciennes sur scène / Festivals acadiens et créoles célèbrent les musiciennes et les 90 ans de « Jolie Blonde ».

Jolie Blonde de
George Rodrigue
« Dans ce temps-là, si une femme chantait dans un groupe, le monde pensait pas grand-chose d’elle, mais j’étais avec ma tante, mon oncle et mes parents alors ça pouvait dire à rien. » Dans le documentaire « J’ai été au bal », Solange Marie Falcon exprimait l’opinion générale lorsqu’on voyait des musiciennes sur scène dans sa jeunesse. Pourtant, sa tante était Cléoma Falcon qui, avec son mari Joe, a enregistré le premier disque de musique cadienne en 1928. Ce n’était décidemment pas la place d’une femme, même en compagnie de sa famille. Le rôle traditionnel des femmes dans la musique a surtout été dans les foyers où l’on passait les soirées à chanter et à écouter des ballades passées de mère en fille, même si on ne les acceptait pas en public. Les chansons préservées par Lula Landry, Inez Catalon, Agnès Bourque et bien d’autres font partie maintenant du répertoire contemporain. Aujourd’hui, on assiste à une nouvelle vague de musiciennes, mais il a fallu longtemps avant que plus de femmes n’arrivent sur scène.

Sheryl Cormier, la reine de l’accordéon cadien, fait figure de pont entre les deux époques. Sa carrière – qui a commencé en jouant avec ses parents, sa mère jouait les tambours – a traversé six décennies et a été couronnée plusieurs fois, notamment par l’Association de la culture cadienne et le Temple de la Renommée de la musique louisianaise. Récemment elle a reçu le Prix de l’héritage acadien lors de la dernière journée de la culture acadienne à Vermilionville. Les Magnolia Sisters ont aussi préservé ce lien entre le passé et le présent.

Si elles ont encouragé d’autres femmes à trouver leur voix, certaines attitudes néanmoins ont persisté. Kristi Guillory, musicienne dès son jeune âge et co-fondatrice du groupe « Bonsoir, Catin » a longtemps lutté pour qu’on la prenne au sérieux et ne pas être un simple objet de curiosité. Christine Balfa, fille du « parrain » de la musique cadienne Dewey Balfa, enceinte de son premier enfant, venait juste de finir quatre heures de spectacle avec son groupe « Balfa Toujours » quand un monsieur lui a demandé si elle attendait un garçon ou une fille. En entendant que c’était une fille, il a déclaré, « Tant pis. Il aurait pu être musicien. » Dix-sept ans après, cette fille, Amelia Powell, prend sa place parmi une nouvelle génération de musiciennes qu’on peut trouver dans des groupes comme T-Monde, les Sœurs Babineaux, Sweet Cecilia, les Daiquiris Queens et j’en passe.


En plus d’honorer toutes ces femmes, les Festivals acadiens et créoles marquent les 90 ans de ce qui est considéré comme l’hymne national des Cadiens, « Jolie Blonde ». Titrée à l’origine « Ma Blonde est partie », les Frères Breaux étaient les premiers à l’enregistré avant qu’elle ne se métamorphose en l’archétype féminin que l’on reconnaît dans d’autres chansons. Là depuis le début, mais pas toujours reconnues, les femmes de la musique cadienne, en mythe ou en réalité, ne nous ont jamais « quitté pour s’en aller ».

2 commentaires:

  1. Fort passionnant article, très inspirant. Le tableau de George Rodrigue reproduit ici est-elle une simple interprétation artistique ou constitue-t-il un portrait ressemblant de la « jolie blonde » en question. George Rodrigue est-il toujours vivant? Qu'en est-il de John Bergeron, avec qui j'ai eu le plaisir de faire un peu connaissance lors de mon séjour en Louisiane, en 1975-1976?
    Je viens de découvrir ce carnet, Un bougre du bayou, et je vais en devenir un lecteur assidû. Bravo, David !
    Paul RIVARD, QUÉBEC (Québec) 15.1.2020

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