dimanche 1 décembre 2019

La Christine / Quand une orange était un beau cadeau publié dans Acadiana Profile, Déc.-Jan. 2019-20


La Christine / Quand une orange était un beau cadeau

Avant que le Santa Claus qu’on connaît aujourd’hui avec sa tenue rouge et blanche n’apparaisse, les enfants de l’Acadiana n’attendaient pas le Père Noël, transporté dans une pirogue tirée par douze cocodries, le soir du 24 décembre comme on pourrait croire. Il n’y a pas trop longtemps passé, Noël était strictement une fête religieuse et solennelle, avec la messe de minuit célébrant la naissance du bébé Jésus et peut-être une veillée en famille. Ce n’était que des années après avec l’américanisation que la pratique d’échanger des cadeaux ce jour-là est devenue la norme. D’ailleurs, c’est à ce moment que le mot « Chrismusse », emprunté du mot anglais Christmas, a paru en français louisianais, afin de le distinguer de la fête religieuse. Les enfants attendaient quelqu’un pendant les fêtes de fin d’année, mais ce n’était pas un homme et ce n’était pas Noël. Ils attendaient la Christine le 31 décembre.

La Christine ne laissait pas de bébelles ni de linge neuf ni de bicyclettes, mais des fruits, des noix et, parfois pour les plus chanceux, des bonbons ou peut-être même quelques sous. Les oranges étaient une denrée rare à trouver le jour de l’an dans un chausson et un petit soulier. Sur sa mode de transport, la légende est muette, mais on croit savoir comment elle est arrivée en Louisiane. Tout comme le sapin de Noël qui est d’origine allemande, les folkloristes croient que ce sont les immigrants « allemands » de l’Alsace-Lorraine qui ont amené « Das Christkind ». À l’oreille française, l’enfant Christ est devenu la Christine.

Au fur et à mesure que la tradition de Santa Claus s’est imposée, la Christine s’est transformée en Mme Claus et ses étrennes de la Saint-Sylvestre ont arrêté chez la plupart des familles. La Christine n’a pas complètement disparu quand même. Certaines parties d’Acadiana ont gardé le souvenir de son nom et la pratique de distribuer des sous le jour de l’An avec la salutation « Bonne année, gros nez. Fouille dans ta poche et donne-moi de la monnaie! » Je ne sais pas si la Christine avait un gros nez, mais un autre personnage folklorique associé avec cette époque de l’année est caractérisé par la longueur d’une partie de son corps.

Madame Grands Doigts est plus ambigüe car, selon les régions, elle peut être méchante ou gentille. Tantôt c’est une sorcière qui vole les enfants pas sages et les mange, tantôt c’est elle qui laisse des fruits et des noix, soit la veille de Noël, soit le Jour de l’An. La légende que j’ai entendue, c’est la Christine qui amène les étrennes le Jour de l’An, mais, si l’enfant n’a pas été sage entretemps, Madame Grands Doigts vient le 6 janvier, la fête de l’Épiphanie et le début de la saison de Mardi Gras, reprend les cadeaux et laisse un morceau de charbon. La Christine, avec sa générosité, sa gentillesse et son mystérieux, pourrait revenir à la mode et surveiller les enfants à la place de ce petit lutin sur l’étagère.

2 commentaires:

  1. Intéressant à lire. Ça me rappelle que mon père né au Québec (en 1920), m'a dit un peu la même chose: les enfants avaient des oranges comme cadeaux. Ça venait probablement de la Floride et c'était rare. Il n' y avait pas d'argent à gaspiller comme aujourd'hui...

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  2. En France aussi,ma mère née en 1913, me racontait que pour Noël les enfants n'avaient qu'une orange et un petite tablette de chocolat. Je pense que ces cadeaux ont duré jusque dans les années 1940.Votre blog est extrêmement intéressant;Merci beaucoup.

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