La
Christine / Quand une orange était un beau cadeau
Avant
que le Santa Claus qu’on connaît aujourd’hui avec sa tenue rouge et blanche
n’apparaisse, les enfants de l’Acadiana n’attendaient pas le Père Noël,
transporté dans une pirogue tirée par douze cocodries, le soir du 24 décembre comme
on pourrait croire. Il n’y a pas trop longtemps passé, Noël était strictement
une fête religieuse et solennelle, avec la messe de minuit célébrant la
naissance du bébé Jésus et peut-être une veillée en famille. Ce n’était que des
années après avec l’américanisation que la pratique d’échanger des cadeaux ce
jour-là est devenue la norme. D’ailleurs, c’est à ce moment que le mot
« Chrismusse », emprunté du mot anglais Christmas, a paru en français
louisianais, afin de le distinguer de la fête religieuse. Les enfants
attendaient quelqu’un pendant les fêtes de fin d’année, mais ce n’était pas un
homme et ce n’était pas Noël. Ils attendaient la Christine le 31 décembre.
La
Christine ne laissait pas de bébelles ni de linge neuf ni de bicyclettes, mais
des fruits, des noix et, parfois pour les plus chanceux, des bonbons ou
peut-être même quelques sous. Les oranges étaient une denrée rare à trouver le
jour de l’an dans un chausson et un petit soulier. Sur sa mode de transport, la
légende est muette, mais on croit savoir comment elle est arrivée en Louisiane.
Tout comme le sapin de Noël qui est d’origine allemande, les folkloristes
croient que ce sont les immigrants « allemands » de l’Alsace-Lorraine
qui ont amené « Das Christkind ». À l’oreille française, l’enfant Christ
est devenu la Christine.
Au
fur et à mesure que la tradition de Santa Claus s’est imposée, la Christine
s’est transformée en Mme Claus et ses étrennes de la Saint-Sylvestre ont arrêté
chez la plupart des familles. La Christine n’a pas complètement disparu quand
même. Certaines parties d’Acadiana ont gardé le souvenir de son nom et la
pratique de distribuer des sous le jour de l’An avec la salutation « Bonne
année, gros nez. Fouille dans ta poche et donne-moi de la monnaie! » Je ne
sais pas si la Christine avait un gros nez, mais un autre personnage folklorique
associé avec cette époque de l’année est caractérisé par la longueur d’une
partie de son corps.
Madame
Grands Doigts est plus ambigüe car, selon les régions, elle peut être méchante
ou gentille. Tantôt c’est une sorcière qui vole les enfants pas sages et les
mange, tantôt c’est elle qui laisse des fruits et des noix, soit la veille de
Noël, soit le Jour de l’An. La légende que j’ai entendue, c’est la Christine
qui amène les étrennes le Jour de l’An, mais, si l’enfant n’a pas été sage
entretemps, Madame Grands Doigts vient le 6 janvier, la fête de l’Épiphanie et
le début de la saison de Mardi Gras, reprend les cadeaux et laisse un morceau
de charbon. La Christine, avec sa générosité, sa gentillesse et son mystérieux,
pourrait revenir à la mode et surveiller les enfants à la place de ce petit lutin
sur l’étagère.
Intéressant à lire. Ça me rappelle que mon père né au Québec (en 1920), m'a dit un peu la même chose: les enfants avaient des oranges comme cadeaux. Ça venait probablement de la Floride et c'était rare. Il n' y avait pas d'argent à gaspiller comme aujourd'hui...
RépondreSupprimerEn France aussi,ma mère née en 1913, me racontait que pour Noël les enfants n'avaient qu'une orange et un petite tablette de chocolat. Je pense que ces cadeaux ont duré jusque dans les années 1940.Votre blog est extrêmement intéressant;Merci beaucoup.
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