Popularisé
par Paul Prudhomme, le terme « Sainte-Trinité » est rentré dans le
lexique culinaire pour désigner les trois ingrédients qui constituent la base
de la cuisine cadienne et créole. L’oignon, le piment doux (ou le poivron comme
les Français l’appellent), et le céleri sont obligatoires dans nos foyers du
sud de la Louisiane. La plupart des plats dans nos livres de cuisine exhortent
les cuistots-apprentis de commencer par le découpage de ces trois ingrédients
et de les faire mijoter avant d’ajouter de la viande ou des fruits de mer selon
les recettes. Malgré notre familiarité avec eux, les gens ne se posent pas de
questions d’habitude sur les origines de ces composants essentiels. Leur
combinaison est peut-être une variation du mirepoix, un mélange semblable dans
la cuisine classique française, avec des carottes à la place des piments doux. S’ils
ont l’air d’avoir toujours été dans nos assiettes, c’est parce qu’ils sont dans
nos jardins et au fond d’une marmite depuis des milliers d’années.
L’oignon
est tellement ancien et répandu qu’on ne sait pas exactement d’où il vient. Puisqu’on
le rencontre dans l’Orient comme à l’Occident, on suppose que l’oignon sauvage,
à partir duquel on a cultivé les espèces qu’on a aujourd’hui, venait de quelque
part en Asie centrale. Sous les cendres du Mont Vésuve à Pompéi, on trouve des
traces de jardin où il poussait. Charlemagne conseillait sa cultivation.
C’était un aliment si indispensable que les premiers colons européens l’amenaient
avec eux aux Amériques. Ils étaient pourtant surpris de voir que l’oignon
n’était pas inconnu aux premières nations. On lui attribue plusieurs qualités,
allant de l’aphrodisiaque jusqu’au soulagement des piqûres d’insectes. Malgré
son apport nutritif faible, sa plus grande contribution, c’est le goût.
Si
les Européens n’ont pas introduit l’oignon au Nouveau Monde, ils ont ramené
avec eux le piment. Dès son retour de son premier voyage transatlantique,
Christophe Colomb a rapporté ce fruit épicé en Europe. Comme la tomate, c’est botaniquement
un fruit et non pas un légume. Néanmoins, ce n’était pas avant les années 1920 qu’on
a découvert comment enlever la capsaïcine qui donne le goût piquant pour
développer le piment doux. Sur l’échelle de Scoville, c’est le moins fort, aux
antipodes de ses cousins la cayenne et le habanero. Sa forme de cloche lui
donne son nom en anglais.
Avec
ses airs de mauvaise herbe, le céleri est peut-être le moins apprécié à cause peut-être
de son goût acide, de son habitude de pousser à l’état sauvage dans des zones
marécageuses et de sa fausse réputation d’être tellement faible en calorie que
le fait de le mâcher en brûle plus qu’il n’en fournit. Il est riche en nitrate
qui facilite la digestion et la circulation du sang. Il était utilisé comme
plante médicinale antidouleur. Il est cultivé et consommé depuis des
millénaires, recommandé par Charlemagne aussi.
Avant
d’apprendre à faire un roux, on commence le véritable apprentissage de notre
cuisine en découpant la « Sainte-Trinité ». L’arôme dégagée par sa
cuisson est divine.
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