Jean-Jacques
Audubon, le Créole aux oiseaux
Grandissant
dans la pointe sud-est du triangle d’Acadiane, la gravité culturelle de la
Nouvelle-Orléans exerçait une grande attraction sur mon esprit. Pour les
enfants, une visite au Zoo Audubon représentait une aventure sans parallèle. On
se bousculait pour atteindre le point culminant de la ville, du moins le
croyait-on, la Colline des Singes; on s’émerveillait à voir les éléphants
cracher de l’eau de leurs longues trompes; on se faisait photographier, l’air
ravi, sur le dos d’un ours empaillé. Devant tous ces prodiges, on n’a guère eu de
pensée pour le monsieur qui a transformé notre façon de voir la nature et
particulièrement les oiseaux. Ce n’était que des années après que le nom John
James Audubon, prononcé d’une telle façon que ses origines françaises étaient
occultées, a commencé à avoir un sens pour moi et encore plus longtemps avant
que je ne comprenne qu’au fait il s’appelait Jean-Jacques.
Né
en 1785 aux Cayes à Saint-Domingue de l’époque, Haïti aujourd’hui, le Créole Jean-Jacques
Audubon était le fils illégitime d’une Française, Jeanne Rabine, et d’un
capitaine breton, Jean. Son père le ramène en France à Nantes où il est élevé par
sa belle-mère, Anne Audubon. Très jeune, il montre un intérêt vif pour
l’histoire naturelle, une passion qu’il a pu poursuivre dans la campagne
bretonne aux alentours. En 1803, son père lui obtient un faux passeport pour
qu’il puisse partir à l’étranger, s’échappant ainsi à la circonscription
napoléonienne. Ayant contracté la fièvre jaune pendant le voyage, il se fait
ramener à la santé par des Quakers en Pennsylvanie. C’est sur une ferme près de
Philadelphie qu’il fait ses premières observations sur la vie des oiseaux. En
nouant un fils sur la patte d’un moucherolle, considérer comme la première
opération de baguage d’oiseaux en Amérique du nord, il remarque qu’il revient
au même endroit chaque année. C’est là qu’il fait ses premiers dessins
d’oiseaux aussi.
Malgré
le fait d’avoir été un homme d’affaire réussi, il a néanmoins fait faillite un
jour. Cela l’a décidé à poursuivre sa passion pour la nature et la peinture et
en 1810, il descend le Mississipi. Sa technique pour saisir les images sur la
toile donne un nouveau sens au terme nature morte. Utilisant des petits plombs,
il tirait les oiseaux afin de ne pas les abîmer complètement. Ensuite, il
mettait des fils en métal pour les maintenir dans les positions imitant leur
façon de vivre dans un milieu naturel. Sa méthode produisait des peintures
spectaculaires, mais elle incitait ses critiques à décrier sa poursuite
d’espèces rares qui pouvait les pousser vers l’extinction. N’ayant pas d’autres
sources de revenue, il continue à vivoter de commande en commande, ne trouvant
pas d’éditeur en Amérique qui veut publier ses œuvres. En 1826, il arrive en
Angleterre où il trouve des acheteurs prêts à payer le prix fort pour ses belles
images exotiques d’une Amérique sauvage.
L’année
suivante, Les Oiseaux d’Amérique paraissent
à Londres et à Édimbourg et c’est un succès immédiat. Pendant onze ans, on sort
une série de portrait d’oiseaux, dont une demi-douzaine sont aujourd’hui
disparus, assurant la renommée d’Audubon. Il sillonne la Grande-Bretagne à la
recherche de souscriptions, donnant des démonstrations sur sa façon d’exposer
les oiseaux. Lors d’une de ces rencontres, un dénommé Charles Darwin était dans
le public, encourageant sa carrière dans l’histoire naturelle. LSU au
Bâton-Rouge possède une copie des quatre volumes qu’elle montre à la Journée
Audubon de temps en temps, un peu comme une sainte relique.
Sa
fortune est telle qu’un jour il a pu se procurer une propriété dans l’état de
New-York sur le Hudson, aujourd’hui le Parc Audubon. Il est enterré sur l’île
de Manhattan, loin de la Nouvelle-Orléans, loin des Caraïbes, loin de la
Bretagne et loin de Londres. Ses oiseaux ont fait le tour du monde. Ayant fui
les guerres de l’Empire français, Jean-Jacques, devenu John James, s’est fait
un nom dans le monde anglophone qu’il n’aurait certainement jamais eu en
France, même s’il avait survécu la guerre. Étienne de Boré, probablement,
aurait toujours fait don de sa propriété qui allait devenir un parc et un zoo,
mais je suis sûr que je n’aurais pas eu le même plaisir à observer les oiseaux
sous les chênes du Parc De Boré.
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